Ça chauffe dans la Marne ! L’Union territoriale de la Mutualité française locale, face à un déficit d’exploitation de 1,5 million en 2023 (contre 500 000 euros avant la crise), compte sur une réorganisation de son personnel pour revenir à l’équilibre financier. Sur un total de 21 postes menacés, trois concernent des médecins généralistes, qui exercent dans des centres mutualistes, un à Reims et deux à Châlons-en-Champagne. Ces derniers sont les seuls que compte le centre de la ville préfecture.
Cette affaire dérange en raison de la désertification médicale à Châlons : de 2012 à 2017, la ville a perdu 21 généralistes. Depuis, un pôle et une maison de santé ont été créés mais en 2023, la densité médicale de la commune plafonne à 8 praticiens pour 10 000 habitants, contre 12,7 dans la Marne.
« Nos médecins ont un statut de salarié, a affirmé le 2 février à L’Hebdo du vendredi le directeur général du service de soins et d'accompagnement mutualistes pour la Mutualité Champagne-Ardenne, Frédéric Connat. Or, ces salaires n'ont pas été gelés et ont progressé ces dernières années. On a eu 361 % de hausse sur l'électricité l'an passé. L'envolée de nos charges ne peut être compensée que par une augmentation de notre activité. Celle des trois médecins dont on parle ne dégage pas suffisamment de recettes pour couvrir leurs salaires et les charges afférentes. »
Pas assez rentables ?
Ce dernier précise que 90 % de leurs recettes proviennent des tarifs réglementés décidés par la Sécurité sociale, lesquels ont augmenté de 1,50 euro en novembre, mais n'avaient pas évolué depuis 2017. Mais le mal est fait. Car, par ses propos, Frédéric Connat sous-entend que ces médecins ne sont pas assez rentables. Quid des valeurs mutualistes ? Le principal intéressé poursuit, toujours auprès de nos confrères, dans la même lignée : « Il y a un décalage entre le montant de leur revenu et les recettes qu'ils réalisent. »
Selon des informations obtenues par Le Quotidien, l’une des médecins inquiétés a un contrat de 35 heures rémunéré 4 500 euros brut, auxquels s’ajoutent 28 % de ses actes, pour un total de 4 500 euros nets. Celle-ci verrait entre 21 et 22 patients par jour. À titre comparatif, les médecins généralistes libéraux déclarent en moyenne un bénéfice non commercial (BNC) de 6 500 euros, pour une cinquantaine d’heures de travail par semaine.
La Mutualité a proposé à ces trois médecins des ruptures conventionnelles, parmi d’autres solutions, comme réduire leur temps de travail sous le statut de salarié et le compenser avec une activité libérale, opter pour une activité libérale totale, ailleurs, ou en continuant d'exercer dans leurs locaux ou encore rester mais accueillir davantage de patients.
Or, un centre de santé ne peut accueillir de médecins libéraux (statutairement, seuls les pôles ou maisons de santé le peuvent) – ce qui serait déjà le cas, selon nos informations, d’un ophtalmologue dans l’un de ces centres, exclusivement en activité libérale. Il est également illégal d’établir des quotas de durée de consultation… Mais Frédéric Connat s’en défend, affirmant « être au-delà des 17 minutes en moyenne par patient ».
En outre, une formule de nouveau maladroite vient caricaturer son propos : « Il arrive qu'on fasse davantage de médecine sociale auprès des personnes qui ont besoin de discuter de leurs problèmes personnels. Bien sûr, on prend le temps nécessaire pour ces patients. Mais nos règles et notre choix de ne pas appliquer de dépassements d'honoraires ne nous permettent plus d'exercer de cette façon. »
Un licenciement économique pas exclu
Problème : selon l'article R.4127-97 du Code de la santé publique, le critère de rentabilité ne peut pas entrer en ligne de compte, ni dans l’élaboration d’un contrat ou dans la rémunération des médecins salariés, ni pour justifier un licenciement (même si cela a déjà été le cas), explique à nos confrères le Dr Jacques Lorentz, président du conseil départemental de l'Ordre des médecins. « Sous prétexte d'une activité qui ne serait pas assez rentable économiquement, on se dirigerait vers une diminution de la qualité des soins ? »
Et si aucune de ces propositions n'aboutissait, le directeur général du SSAM local est clair : pour arriver à l’équilibre, « le licenciement pour motif économique n'est pas exclu ». Quoi qu’il en soit, une solution devra être actée pour la fin mars, rapporte-t-il.
Le directeur général du centre communal d'action sociale (CCAS) de la ville, Ludovic Chassignieux, s’est dit « interpellé » du « manque de considération » pour les autres acteurs de la part de la Mutualité, qui n’a répondu à aucune de leurs sollicitations. Le CCAS se dit prêt à aider ces professionnels de santé dans la recherche d’un local ou de nouveaux partenaires, afin de les faire rester sur le territoire.
L’UFML-S dénonce une « aberration économique »
Dans un communiqué publié le 7 février, l’UMFL-Syndicat, présidé par le Dr Jérôme Marty, a résumé l’affaire, dénonçant « cette duplicité, ce favoritisme, ce mensonge qui vole le système de santé aux Français et consacre son effondrement ». Le généraliste installé à Fronton (Haute-Garonne) rapporte, excédé, qu’un responsable de la Mutualité aurait dit à une médecin d’un centre : « Pour les diabétiques vous pouvez aller plus vite, un renouvellement d’ordonnance, ça prend cinq minutes. »
Plus que cet exemple concret, l’UFML-S argumente que les centres de santé n’ont pas d’avenir, puisqu’ils bénéficient « de subventions et d’aides financières qui masquent l’aberration économique de [leur] système et qui signent la duplicité de ceux qui les [leur] octroient ». Pour le syndicat, qui ironise dans son communiqué sur l’équilibrage des comptes de la Mutualité française, « le paiement à l’acte reste la seule voie d’équilibre, car bien moins coûteux que le salariat ! On la remercierait presque… »
Contactée, la Mutualité française n’a, à date, pas répondu à nos sollicitations.
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