Il y a un an, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) lançait un appel à témoignages pour recueillir la parole des victimes. Ce 21 septembre 2022, la Ciivise a publié un rapport qui fait état des conséquences importantes, notamment sur la santé, des actes de violences sexuelles subis pendant l’enfance.
25 % des victimes ont moins de cinq ans
En tout ce sont 16 414 témoignages qui ont été recueillis par téléphone, par écrit, sur le questionnaire en ligne sur le site internet de la commission, en audition à la Ciivise ou dans des réunions publiques organisées chaque mois dans une ville de France. À 88 % il s’agissait de femmes et 13 % étaient en situation de handicap.
Le rapport de la Ciivise montre que ces violences ont des effets sur : la santé physique et psychique des personnes, leurs études et leur travail, leur vie familiale ainsi que leur vie affective et sexuelle. Les témoignages permettent de constater que l’âge médian aux premières violences sexuelles intrafamiliales est de 7 ans pour les filles et de 8 ans pour les garçons, tandis qu’il est de 12 ans pour les filles et les garçons lorsque les violences sont commises dans l’espace public. Par ailleurs, une victime sur quatre avait moins de cinq ans au moment des faits. Dans 81 % des cas, l’agresseur est un membre de la famille : dans 22 % il vient de l’entourage proche et dans 11 % d’une institution.
Comme l’avait déjà souligné la Ciivise dans son rapport intermédiaire en mars 2022, les troubles psychotraumatiques se retrouvent chez près de 100 % des enfants victimes, quels que soient l’âge, le sexe, la personnalité ou les antécédents de l’enfant.
« Les symptômes sont multiples : conduites d’évitement de lieux, de personnes, d’activités qui rappellent l’agression ou l’agresseur, cauchemars avec une difficulté majeure pour se rendormir, hyperactivité, irritabilité, signes de souffrance physique sans cause organique, état de dissociation cognitive, corporelle et émotionnelle », détaille la Commission.
Plus de TCA chez les femmes et d'addictions chez les hommes
Côté impact sur la santé, dans 70 % des témoignages reçus par mail, les victimes mentionnent l’impact des violences sur leur santé psychique. Les violences ont aussi pour conséquence le développement de comportements à risque.
« Les troubles alimentaires, les problèmes d’addiction, l’agressivité/la violence, les tentatives de suicide sont les comportements le plus souvent rapportés par les victimes ». Notamment, près d’une femme sur deux décrit des troubles alimentaires.
« En maigrissant, j’avais le sentiment de reprendre le contrôle de mon corps et d’échapper au contrôle de mon agresseur. En maigrissant, je disparaissais un peu », témoigne une victime.
« La méconnaissance de nombreux professionnels de santé de la relation entre violences sexuelles et troubles du comportement alimentaire (TCA, ndlr) est préjudiciable pour les personnes qui souffrent de TCA. Elle représente pour elles une perte de chance importante et un risque d’aggraver leur souffrance. Le traitement uniquement symptomatique des troubles du comportement alimentaire est souvent voué à l’échec, avec des régimes, des hospitalisations et des rechutes à répétition », explique le rapport.
Je prends de l'alcool ou du cannabis pour m'anesthésier
Les hommes victimes sont eux plus sujets à des problèmes d’addiction, près de quatre sur dix.
« Je prends de l'alcool ou du cannabis pour m'anesthésier et non pas pour chercher un effet récréatif, euphorique. C'est simplement pour pouvoir sombrer dans un sommeil sans rêve, puisque les rêves sont essentiellement formés de cauchemars », relate une victime.
« Le soin des addictions implique donc le repérage des violences sexuelles et le soin du psychotraumatisme qui en résulte », analyse la Ciivise.
Un parcours de soins spécialisés et un repérage systématique
Lors du rendu de son rapport intermédiaire il y a quelques mois, la Ciivise avait donc déjà formulé vingt recommandations, parmi lesquelles le repérage systématique de ces violences ou la clarification de l’obligation de signalement pour les médecins pour les protéger des poursuites disciplinaires.
Suite à ce nouveau rapport, la Ciivise redit que ces 20 préconisations sont « réalistes et réalisables ». « Elles doivent être mises en œuvre en urgence ». Mais à l’approche des discussions budgétaires pour 2023, la commission insiste particulièrement sur cinq préconisations qui nécessitent un renforcement des moyens financiers.
La Ciivise demande donc la construction d’un parcours de soins spécialisés avec une prise en charge de ces soins, l’organisation du repérage systématique des violences sexuelles, la création d’une cellule pluridisciplinaire de soutien aux professionnels destinataires des révélations de violences, l’augmentation des moyens de lutte contre la pédocriminalité et une grande campagne d’information.
Des unités dans chaque département
Des préconisations suivies par le gouvernement puisque dans la foulée de la publication du rapport, il a immédiatement annoncé la mise en place d’une série de mesures.
Outre le lancement d’une campagne d’information, dans un communiqué, la secrétaire d’État chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel, a notamment fait part de la création d’une cellule de conseil et de soutien pour les professionnels.
« Une cellule commune permettra d’appuyer les professionnels confrontés à des révélations, et de les aiguiller vers le dispositif le plus apte à prendre en charge leur signalement », détaille-t-elle.
Côté judiciaire, le gouvernement veut notamment déposer au Parlement une modification législative pour permettre le retrait de principe de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses sur son enfant.
Dans le champ de la santé, François Braun va déployer sur l’ensemble du territoire des unités d’accueil et d’écoute pédiatriques (UAPED). « Des structures pluridisciplinaires qui mêlent des médecins, des psychologues, des enquêteurs et vont dans le sens d’une meilleure coordination du parcours de l’enfant, tant sur le plan judiciaire que médical », précise le communiqué. Une unité par département sera mise en place.
La formation des professionnels de santé autour de la détection active des maltraitances va aussi être renforcée, annonce le gouvernement.
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