Soumis à des fortes pressions et à un rythme de travail intense, les internes en médecine constituent une population à risque vis-à-vis de la consommation d'alcool. C'est ce que révèlent les résultats de l'enquête CAMIF (Conduites Addictives des Médecins d'Ile-de-France), présentée en ouverture de la 3e Journée nationale de prévention des conduites addictives en milieux professionnels organisée ce jeudi 17 mai à Paris par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA).
Mythe ou réalité ?
Ce travail a été mené par la mission Fides et le centre d'enseignement, de recherche et de traitement des addictions de l'hôpital Paul-Brousse (AP-HP). Il visait à répondre à une question simple : « La consommation d'alcool chez les internes est-elle un mythe ou une réalité ? »
Pour le Dr Geneviève Lafaye, psychiatre à la mission Fides (qui vise à mettre en œuvre un dispositif de prévention et de prise en charge des addictions pour le personnel de l’AP-HP), les consommations d'alcool des internes ne sont pas toujours que festives. « Nous avons tous des images de fêtes dans les salles de garde, explique-t-elle. Cette population est confrontée au surmenage et certaines études anglo-saxonnes, un peu anciennes certes, montrent que l'alcool y est aussi consommé à but auto-thérapeutique. »
10 % d'internes ont besoin d'une intervention brève
Au cours de l'enquête CAMIF, 5 799 internes de la région Île-de-France ont été interrogés au moment de leur choix de poste, avec un taux de réponse élevé : 70 %. En décortiquant les réponses, les auteurs ont calculé que les étudiants répondeurs (âge moyen de 27,7 ans, 59 % de femmes) avaient un score ASSIST correspondant à un besoin d’intervention brève dans 10,8 % des cas, et d'une prise en charge spécialisée dans 0,5 % des cas. Près d'un quart (22,9 %) a ressenti un fort désir de consommer de l'alcool au moins une fois et 8,6 % ressentent ce besoin de façon hebdomadaire. Par ailleurs, 5,2 % affirment avoir été dans l'incapacité d'accomplir ce qui était attendu d'eux au moins une fois à cause d'une forte consommation d'alcool.
Les étudiants en première année de 3e cycle avaient besoin d'une intervention brève dans 6,5 % des cas, contre 12,6 % à partir de la 2e année. « La bonne nouvelle, c'est que les taux de consommation d'alcool et de cannabis sont comparables à ceux de la population générale relevée par le baromètre de l'OFDT, rassure Isabelle Chavignaud, coordinatrice de la mission Fides, mais la mauvaise est qu'ils sont plus fréquemment anxieux ou déprimés. » Les données de l'enquête CAMIF révèlent en effet que 36 % des internes présentent des symptômes d'anxiété (dont 15 % classés en « symptomatologie certaine ») et que 11 % présentent des symptômes dépressifs (3 % en symptomatologie certaines). « Il existe un lien très significatif entre dépression, anxiété et consommation d'alcool à risque », ajoute Isabelle Chavignaud.
Des internes mal suivis
Ces données sont d'autant plus préoccupantes que « le suivi des internes, comme celui des médecins de manière générale, est mauvais », constate le Dr Lafaye. « Les étudiants sont dans l'évitement, poursuit Isabelle Chavignaud. L'enchaînement des stages fait qu'ils changent parfois d'hôpital tous les 3 mois, ce qui ne facilite pas le suivi. Des internes travaillent plus de 60 heures, ce qui est contraire aux règlements européens. Ce sont des questions à se poser au niveau du monde médical dans son ensemble. »
Constance : hommes et femmes, modes d'emploi
La journée de la MILDECA a également été l'occasion de communiquer les derniers résultats de la cohorte Constance sur la prévalence d'usage à risque de l'alcool chez 200 000 volontaires. Il en ressort que 30,7 % des hommes de 18 à 35 ans présentent un usage dangereux de l'alcool, de même que 15,7 % des hommes de 36 à 50 ans, et 13,9 % des hommes de 51 ans et plus. Chez les femmes ces taux sont de respectivement 12,9, 5,7 et 4,9 %. Les professions les plus exposées ? « Les personnes qui explosées au public et à son agressivité », résume le Dr Guillaume Airagnes, psychiatre addictologue et chercheur à l'INSERM.
« Il y a des différences importantes entre hommes et femmes, souligne le Dr Airagnes, les hommes sont plus exposés aux épisodes d'alcoolisation intense, quand les femmes ont une consommation plus chronique », détaille-t-il.
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