COURMELLES (02)
Dr Pascal Jacob
Record de paperasse battu :
Neuf documents demandés par la fille d’une patiente âgée, lors d’une visite à domicile !
- Les 3 premiers, habituels, rien à dire : ordonnance de renouvellement + feuille de soins + ordonnance de biologie.
Puis :
- Numéro 4 : 2 feuilles de renseignements détaillés pour passer 10 jours dans une maison de retraite.
Auxquels s’ajoutent on se demande pourquoi :
- Numéro 5 : un document pour soins d’hygiène,
- Numéro 6 : un document pour surveillance des zones potentielles à escarres !
- Numéro 7 : je ne l’ai pas rempli ; il était fait d’initiales, je n’en ai pas saisi la teneur !
- Numéro 8 : pendant qu’on y est vous me ferez une ordonnance d’achat de fauteuil roulant et…
- Numéro 9 : le renouvellement de son matelas anti-escarre.
Je fais part de mon mécontentement, je lui dis qu’elle aurait pu passer (avec la carte Vitale) à mon cabinet et là, elle en profite pour se moquer de moi (et je suis poli) : « Je m’en doutais que vous vouliez nous compter une consultation supplémentaire, cela fait 50 ans que l’on vous fait venir, [j’ai 60 ans et 33 ans d’installation, mais quand même !] et on vous paie pour venir. »
Pour couronner le tout, je trouve dans ma boîte à lettres le lendemain, une demande de renouvellement de lit médicalisé. Avec sur l’enveloppe un simple « merci et bonnes vacances » !
Pas de signature, pas d’enveloppe timbrée, pas de « nous passerons le chercher »…
Voilà le triste sort des médecins de terrain. Et après on s’étonne que les jeunes ne veuillent plus s’installer.
Félicitations !
Barneville-Carteret (50)
Dr Dominique Legendre
Félicitations pour le courrier du Dr Pierre Noël de Beaune dans « le Quotidien » du 11 juin dernier. Merci pour cette (re)mise au point !
L’héritage des promesses hollandaise
Le Tampon (97)
Dr Jean Dorémieux
Madame Marisol Touraine a sur les bras pour la rentrée quatre sujets majeurs, tous quatre issus des promesses électorales hollandaises. Près d’elle, le think tank Terra Nova réfléchit plus loin que M. Normal et pense, lui, à une grande réforme étatique de l’Assurance-maladie se rapprochant du système allemand en adoptant, pour commencer, les pratiques actuelles d’Alsace-Lorraine – attention, ayant vécu 35 ans en Allemagne, je crois qu’il faut les écouter et les suivre en partie.
Les quatre questions de la rentrée sont : les dépassements, les déserts ruraux, la pénurie en spécialistes d’exercice difficile, la garde libérale effondrée d’où encombrement de la garde des hôpitaux publics.
Comment notre ministre de la Santé, aux affaires, va-t-elle pouvoir traiter, de façon intelligente, tel ou tel de ces quatre problématiques sans faire du tort à la solution des trois autres ? Ses conseillers ne peuvent lui trouver une solution cohérente. À moins de revoir toute la question et d’écouter Terra Nova mais pour aller plus loin que ce dernier.
Existe-t-il vraiment une solution unique à ces quatre problèmes ? Afin de résoudre à la fois la question des urgences, celle des patients ne pouvant plus se payer le médecin, la question – indissociable de cette difficulté d’accès aux soins – de la désertification rurale, même ultramarine et celle particulière des cités ?
Je crois que oui, si nous demandons aux partenaires de cette négociation l’application de ce qui existait voici peu en Allemagne qui se révèle à l’usage moins coûteux et plus efficace : le tiers payant intégral des honoraires libres de chaque cabinet selon les besoins comptables réels de son cabinet. Pourquoi est-ce moins coûteux ? Parce qu’il est mis fin à la multiplication des actes.
Mais demandons également aux négociateurs d’adopter, comme en Allemagne, le cumul de tous les actes tous payés afin de faire redécoller la garde libérale, ce qui soulagera les urgentistes hospitaliers. Et repeuplons les déserts avec des médecins multidisciplinaires, ayant accompli des stages de deux à trois ans et sachant faire les petites urgences. Sinon, les évacuations et les transports longue distance vont évoluer dans un sens dépensier.
Ouattara et la nomenclature
Paris (75)
Gérard Noët*
Hollande a fait cadeau à Ouattara de 99,5 % de la dette ivoirienne soit 3,5 milliards d’euros. La Côte d’Ivoire regorge de richesses naturelles : café, cacao, banane, or, diamants et pétrole.
Cherchez l’erreur ! Combien d’années de baisses de nomenclature de biologie médicale et de radiologie atteindront cette somme ?
* Pharmacien biologiste
Y a-t-il un médecin dans l’avion… : alcooliques anonymes*
Dr Michel Roth
Le service des boissons alcoolisées est désormais interdit à bord de cette compagnie sauf si l’on débourse quelques roubles pour les petites bouteilles du fond du chariot…
Ce jour-là, quatre individus déjà bien imbibés investissent les lieux en exhibant fièrement les bouteilles dont ils s’étaient pourvus au duty free.
Ce qui devait arriver arriva, à savoir altercation générale, bagarre dans la travée, uppercut pour le compte d’un des participants.
Après m’être « dénoncé » et avant que les effets de la boisson et du traumatisme ne finissent par endormir le sujet en position latérale de sécurité, j’ai dû pendant de longues minutes, posté debout derrière le siège du sujet agressé, assurer l’air way en lui luxant la mâchoire. Inconfortable expérience.
Lors de l’atterrissage, je me suis déplacé de nouveau pour une petite crise d’angoisse d’un passager de première classe. Rien de grave donc mais je n’ai toujours pas compris le texte en cyrillique inscrit sur les quelques boîtes de médicaments qui m’ont été proposées de façon aléatoire.
* Nous publions ici un témoignage qui nous est parvenu quelques jours trop tard pour la rubrique web de l’été « Y a-t-il un médecin dans l’avion… ? » (lequotidiendumedecin.fr).
Vêtir ceux qui sont nus
Clermont-de-l’Oise (60)
Dr Nicole Batlaj
On s’étonne que la première réforme du ministère de la Santé tire à bout portant sur les dépassements d’honoraires médicaux.
J’exerce en secteur I sans variations tarifaires, ce qui me laisse toute liberté d’expression.
Nos concitoyens nantis peuvent acquérir des voitures de luxe. Pourquoi ne pas leur imposer des cylindrés plus modestes !
Certains d’entre eux portent des vêtements de grands couturiers, en quoi cela est-il préjudiciable au contribuable ?
Pourquoi ne pas s’indigner au bon endroit, c’est-à-dire à la médecine et à la condition d’exercices difficiles.
Toute celle querelle ciblée sur la rémunération médicale n’est que l’ombre portée d’une jalousie complexe.
Si la profession était si enviable, comment expliquer les déserts médicaux toutes catégories confondues.
Dans ce propos, on occulte les difficultés de la profession, le doute, la remise en cause, la formation continue et des emplois du temps surchargés.
Je suis surprise que le patient soit totalement exclu de cette remise en cause.
Je suis surprise que le Conseil de l’Ordre ne soit pas concerné.
La sanction financière devance la nécessité.
Comment prendre soin de ceux qui souffrent, riches ou pauvres, affligés dans la souffrance et le dénuement.
Comment « vêtir ceux qui sont nus », sinon en respectant le serment d’Hippocrate.
La morale est légère devant le grand argent.
P4P : lettre à Marisol Touraine
Bois-Colombes (92)
Dr Isabelle Forestier
Madame le ministre de la Santé,
Je veux vous faire part de quelques réflexions concernant le début du P4P mis en place pour les médecins généralistes.
Il y a quelques jours, j’ai reçu mon délégué de l’assurance-maladie des Hauts-de-Seine. Conversation aimable sur les objectifs à atteindre. Nouveau rendez-vous à la rentrée, en octobre.
Et puis la nuit qui a suivi, j’ai repensé à ce rendez-vous. Pourquoi ?
Devant moi, le délégué a mis les chiffres de dépistage du cancer du sein chez mes patientes : résultat moyen, peut mieux faire. Objectif : 80 %, mais non, on devrait décider 100 % !
Vous savez évidemment que cela nous rapporte de l’argent : 7 euros le point !
Quelle honte, Madame le Ministre, de penser ainsi, un dépistage en plus et 7 euros de plus, ignoble façon de faire de la médecine.
Cela fait 35 ans que j’exerce ma profession et, en 2012, on vient me donner des bons points pour mon travail…
Je suis outrée de cette façon de faire et si je vous écris, c’est pour vous faire part de ma rage, de mon indignation, de ma tristesse pour la non-récompense de tous les diagnostics de cancer du sein que j’ai faits dans ma carrière, pour les centaines de femmes que j’ai aidées, soutenues, écoutées, conseillées, réconfortées, elles ainsi que toutes leurs familles, perdues, désespérées, attristées dans la longue route à faire vers la guérison ou… vers la mort.
Oui, cette nuit-là, je n’ai pu m’empêcher de repenser à Sylvie, morte à 42 ans, dont la famille me suppliait de faire encore mieux que les meilleurs médecins de Paris, à sa mère éplorée et à ses enfants révoltés. Oui, cette nuit, j’ai repensé à Christiane qui avait peint de si jolies aquarelles dont elle m’avait fait cadeau et qui décorent toujours mon appartement. Elle est morte dans mes bras, son mari a sombré dans l’alcoolisme de désespoir. Et encore Marie-Claude à qui je mentais effrontément en lui affirmant que tout allait bien car elle savait qu’elle allait vers sa fin et était dépressive. Tant d’autres ont représenté pour moi des années d’accompagnement, de dynamisme à transmettre, de sourires de façade à avoir. Combien est difficile le métier de médecin !
Oui, Madame la Ministre, il en faut des connaissances, mais aussi des sentiments pour ne pas être qu’un prestataire de santé, qu’on allèche par un point de 7 euros.
Ne pas manquer un diagnostic de cancer, c’est autrement plus important que cet item stupide du P4P !
Veuillez croire Madame en mes sentiments respectueux.
Je refuse de faire « des lignes »
Saint-Ouen (93)
Dr Patrick Goarin
Dernière nouveauté de la collection automne-hiver de la CPAM : il faut pour que le tiers payant soit appliqué par les pharmaciens que nous précisions en face de chaque médicament « non substituable ».
Il est exclu que j’accepte de faire « des lignes » : « Tu ne donneras pas de génériques à ton voisin, mon patient, ton copain, car ce n’est pas bien. »
Je ne suis plus à l’école primaire.
Cette décision est soit le fruit de la bêtise et du mépris pour la fonction de médecin, soit le désir de pourrir l’exercice professionnel afin que patients et médecins cèdent. Je crains que la deuxième hypothèse ne soit la bonne.
Sauf pour les anti-épileptiques et les extraits thyroïdiens, je me moque des génériques comme de mes premières gouttes nasales. Mais lorsque nous pratiquons la médecine, nous savons que la façon d’examiner puis de donner un traitement compte énormément dans le résultat.
Beaucoup de décideurs ne sont pas des praticiens. Nous ne faisons pas le même métier, nous n’avons pas la même culture mais nous nous occupons des mêmes malades.
Je préviens mes patients qui ne veulent aucun générique et les pharmaciens de mon refus à « faire des lignes ». Je précise aux patients qu’ils ont le droit de refuser les génériques et que le pharmacien n’appliquera pas le tiers payant. S’ils sont mécontents qu’ils consultent la CPAM, leurs députés, que sais-je ?
Il est évident que je continuerai de demander la substitution lorsque je le jugerai nécessaire médicalement.
Ce refus de mentionner ligne par ligne la non substitution n’est pas négociable.
Il est vraiment dommage et désolant de voir l’exercice professionnel, les relations médecin-patients-pharmaciens, pourris par de telles décisions.
Le pharmacien déconventionné [L’Assurance-maladie a déconventionné pendant un mois une pharmacie des Deux-Sèvres pour n’avoir pas suffisamment délivré de médicaments génériques, NDLR] va apprécier la fidélité des patients, certains sont tellement habitués à ne jamais payer... Qu’il garde le moral, beaucoup resteront fidèles et l’image de l’Assurance-maladie n’en sortira pas grandie.
Il est des circonstances où bien que respectueux des lois et règlements, il faut savoir dire non. « Ils ont préféré le déshonneur à la guerre et ils auront les deux » (Churchill).
Tristement votre, d’un fidèle partisan d’une assurance-maladie solidaire, équitable, correctement administrée, véritable partenaire dans la lutte contre la maladie et les souffrances de ses assurés et pour le travail dans la sérénité des professionnels de santé.
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