PREMIÈRE CAUSE de mortalité au sein de l’Union européenne, le tabac est responsable chaque année de 650 000 décès, soit plus que les populations de Malte ou du Luxembourg. En Europe, le tabagisme touche 28,6 % de la population. Moyenne qui masque d’importantes disparités, comme en témoigne l’étude EQUIPP (Europe QUitting : Progress and Pathways)* présentée la semaine dernière à Berlin. Parmi les pays les plus « fumeurs » figurent la Grèce (35 % de la population générale), l’Autriche (34 %), la Pologne (30,3 %), la Hongrie (30 %), la France (28,7 %) et les Pays-Bas (28 %). À l’inverse, la Suède (18 %), la Finlande (18,6 %), le Luxembourg (19 %) et la Suisse (20 %) se révèlent les plus vertueux.
Coordonnée notamment par la Société européenne des maladies respiratoires (ERS), le Réseau européen pour la prévention du tabagisme (ENSP), avec le soutien du laboratoire Pfizer, l’étude EQUIPP s’est penchée sur l’état d’avancement des politiques de lutte antitabac menée dans 20 pays européens, à la lumière de la convention-cadre de l’OMS (FCTC). Très globalement, cette enquête comparative montre que le Royaume-Uni, l’Irlande et la Finlande restent les pays les plus en pointe en matière de lutte contre le tabagisme. Au contraire d’États comme l’Allemagne, la Hongrie ou le Luxembourg dont les politiques antitabac présentent de nombreuses lacunes relevées par le rapport. La France se situant dans la moyenne haute du panel de pays étudiés.
Mobiliser les politiques.
L’étude EQUIPP présente un panorama détaillé des politiques de lutte antitabac de 20 États, sur la base d’entretiens menés auprès d’une soixante d’experts. Pour la France, la mission a ainsi auditionné le Pr Bertrand Dautzenberg, le Pr Isabelle Durand-Zaleski, le Dr Ivan Berlin et Dr Anne-Laurence Le Faou**. Il ressort que des efforts accrus doivent être menés pour mobiliser davantage l’opinion et les politiques autour de la lutte contre le tabac. Pour beaucoup de Français, le tabagisme reste encore perçu comme un choix de vie et non pas comme un comportement influencé par de multiples facteurs, constate le rapport. Les auteurs suggèrent aussi de développer les études médico-économiques pour apporter une démonstration aux politiques de l’impact économique à court terme de la réduction de la prévalence tabagique et donc de l’offre de produits du tabac. Car l’actuelle politique tarifaire autour des produits du tabac est jugée contre-productive. Les deux dernières augmentations (6 % en novembre 2009 et 2010) décidées par le ministère du Budget (quand son homologue de la Santé réclamait des hausses de 10 %) n’ont pas permis de faire reculer le tabagisme en France, ces dernières années, bien au contraire (voir encadré).
S’agissant de la prise en charge médicale du tabagisme, les généralistes doivent être davantage impliqués, poursuit la mission EQUIPP. « Certains omnipraticiens ne semblent pas considérer l’arrêt du tabac et le suivi du sevrage tabagique comme une priorité », souligne le rapport. Une tendance à mettre en perspective avec une étude de 2005 qui montre que 33,9 % des médecins généralistes français hommes sont fumeurs, contre 25,4 % de femmes.
Le rapport prône également une révision des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) en les simplifiant et les orientant davantage vers la pratique médicale quotidienne. « Il est par exemple important de détailler la manière d’aborder cette thématique en consultation selon le temps disponible du praticien », notent les auteurs. Enfin, à l’instar de nombreux pays européen, le rapport EQUIPP suggère d’améliorer l’accès aux traitements d’aides à l’arrêt du tabac, notamment pour les plus modestes. « S’il y avait un remboursement, même très faible, l’impact serait sensible. L’argent dépensé par l’Assurance-maladie ne serait pas de beaucoup supérieur au forfait de 150 euros actuellement en vigueur », indique le Pr Dautzenberg. « Au Royaume-Uni où ces traitements sont remboursés, cela représente 1 % du revenu des taxes sur le tabac engrangées. Lorsqu’on mesure le rapport coût-efficacité de l’arrêt du tabac, on voit qu’au bout de 8 ans, on gagne de l’argent. Le problème aujourd’hui en France est qu’on a un gouvernement qui ne raisonne qu’à court terme et n’ose impacter les recettes issues du tabac qui alimentent le budget de l’État », conclut-il.
(1) L’étude EQUIPP est téléchargeable sur le site Internet de la Société européenne des maladies respiratoires (ERS) : www.ersnet.org
(2)respectivement président de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT) , responsable du service santé publique à l’Hôpital Henri Mondor, président de la Société française de tabacologie, tabacologue.
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