AUCUN SIGNE D’ALERTE. Les sujets alcooliques déclarent un accident vasculaire cérébral (AVC) 14 ans plus tôt que la population générale, sans que leur addiction ne leur ait posé de problème de santé auparavant. C’est le constat troublant que fait l’équipe du Pr Charlotte Cordonnier, neurologue au CHR de Lille, d’après les résultats d’une étude sur 562 patients consécutifs hospitalisés pour AVC hémorragique dans leur service entre novembre 2004 et mars 2009. « L’alcool est un facteur de risque bien connu d’AVC hémorragique, explique le Pr Cordonnier. Le but de notre étude était de répondre à la question : en quoi l’alcool modifie la maladie hémorragique cérébrale. Nous avons été très surpris par l’âge très jeune des sujets alcooliques, 60 ans en moyenne, alors que la population générale est touchée vers 74 ans ».
Mais ce n’est pas tout, l’équipe lilloise s’est aperçue que les AVC hémorragiques du sujet alcoolique ont une localisation spécifique et pourraient constituer une entité particulière. « Ils touchent préférentiellement le cerveau profond, explique le Pr Cordonnier. C’est-à-dire les noyaux gris centraux, le thalamus et le tronc cérébral. Or ces territoires sont irrigués par les artères perforantes, ces artérioles terminales très fragiles de moins de 300 microns, ce qui suggère une maladie des petits vaisseaux. On a longtemps considéré l’AVC hémorragique comme une seule maladie, ce qui est vraisemblablement faux ».
Une maladie des petits vaisseaux
« Très souvent, les sujets n’étaient pas considérés comme des alcooliques notoires par leur entourage ni même leur médecin traitant, souligne la neurologue. Une consommation de 4 à 5 verres par jour, ce qui correspond au seuil des 45 g d’alcool/jour de notre étude, est banalisée à tort en France. L’étude s’étant déroulé dans le Nord de la France, il s’agissait surtout d’une consommation d’alcools forts et de bière ». Y a-t-il matière à penser qu’il puisse exister une exception pour le vin rouge ? L’étude ne permet pas de se prononcer à ce sujet « même si plus de 4 verres par jour est excessif, quel que soit l’alcool ».
Autre constat inquiétant, avant la survenue de l’AVC, ce penchant pour les boissons alcoolisées n’avait pas posé de problème grave sur le plan de la santé. « L’entrée dans la maladie alcoolique est alors d’emblée grave et brutale, s’alarme la neurologue. La mortalité des AVC non lobaires est deux fois plus élevée chez les sujets alcooliques. Mais attention, nos résultats ne signifient pas que l’alcool est capable de provoquer tout seul la maladie hémorragique. Par exemple, les sujets alcooliques sont 4 fois plus souvent fumeurs, que les sujets non alcooliques. Le vieillissement cérébral semble être précipité. L’atrophie est la même dans les deux groupes et l’hypertension à peine moins fréquente, alors que les sujets alcooliques sont bien plus jeunes ».
Les hémostatiques à tester
L’AVC hémorragique chez le sujet alcoolique présente des caractéristiques propres. « De plus en plus de données corroborent le fait que toutes les hémorragies cérébrales ne peuvent être considérées de la même manière, insiste le Pr Cordonnier. La maladie alcoolique semble entraîner une vasculopathie des petites artères probablement favorisée par des troubles de l’hémostase. Si les paramètres de la coagulation restent dans la norme, la fonction plaquettaire est en effet perturbée ». Ce qui suggère ainsi que la correction de l’hémostase dans les AVC non lobaires pourraient s’avérer bénéfiques. « Si tous les essais thérapeutiques ont échoué jusqu’à présent, c’est peut-être qu’ils intéressaient tous types d’AVC hémorragiques, explique la neurologue. Dans le même esprit, un essai est en cours sur la transfusion plaquettaire chez les sujets traités par clopidogrel ou aspirine ».
Peu de progrès depuis 20 ans
Contrairement à la révolution constatée pour l’AVC ischémique, il y a eu peu de progrès dans la prise en charge des AVC hémorragiques ces 20 dernières années avec une mortalité›40% à la phase aiguë encore aujourd’hui. « Mais les choses sont en train de bouger, s’enthousiasme le Pr Cordonnier. Notre vision est plus précise avec les progrès de l’IRM. La prochaine étape est attendue pour le printemps 2 013 avec les résultats d’Interact II, une grosse étude internationale sur l’intérêt de la normalisation des chiffres tensionnels dans les premières heures de l’AVC hémorragique ». Le changement des pratiques ne serait alors pas des moindres.
Neurology 79, 11 septembre 2012.
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