La consommation de protoxyde d’azote, appelé « gaz hilarant » ou « proto », continue de progresser en France chez les jeunes et tend à sortir du milieu festif pour s’inscrire dans un quotidien. Alors que les cas de dépendance et d’intoxication sont en hausse depuis plusieurs années, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) publie une fiche d’aide au diagnostic et à la prise en charge des cas graves.
L’usage détourné à visée récréative du protoxyde d'azote culinaire peut avoir des conséquences neurologiques graves, durables et conduire à une hospitalisation, « en particulier chez les consommateurs réguliers », rappelle l’agence. « C'est un sujet de préoccupation de santé publique important », souligne Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l'ANSM.
Hausse de la consommation régulière
En un an, entre 2020 et 2021, les cas graves déclarés aux centres d'addictovigilance ont été multipliés par 3 (de 82 à 265 cas), tout comme ceux « de gravité moyenne et forte » enregistrés par les centres antipoison (de 49 à 158 cas). Les usages sont également de plus en plus quotidiens. En 2021, près de la moitié des signalements (47 %) mentionnent une consommation quotidienne, contre 34 % en 2020.
Les consommateurs sont jeunes (22 ans en moyenne) et majoritairement masculins (58 % des consommateurs en 2021 contre 69 % en 2020). Et, « malgré l'interdiction de vente aux mineurs depuis juin 2021, la proportion de mineurs parmi les cas rapportés en 2021 reste importante : 11,2 % pour les cas déclarés aux centres d'addictovigilance et 16,6 % pour les cas déclarés aux centres antipoison », lit-on.
Ces données ne sont pas les chiffres de la consommation, mais reflètent une tendance à la hausse de celle-ci depuis l’arrivée du phénomène en France en 1998. « On sait qu'il existe une certaine proportionnalité entre les signalements d'addictovigilance et les chiffres de la consommation. Il est donc vraisemblable que ces derniers aient beaucoup augmenté », soulignait récemment au « Quotidien » la Pr Caroline Victorri-Vigneau, responsable du centre d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance-addictovigilance au CHU de Nantes en charge du suivi national.
Le premier risque de cette consommation est l'asphyxie, indique-t-elle : « le protoxyde consommé par les jeunes provient de bonbonnes destinées à la fabrication de la crème chantilly. Le protoxyde d'azote (N2O) y est donc pur, contrairement à celui utilisé dans le domaine médical qui est mélangé à de l'oxygène ». Sont aussi signalés des brûlures provoquées par le froid au contact avec la bombonne, des pertes de connaissance, des vertiges et une désorientation.
Surtout, l’évolution des pratiques se traduit par des signalements relevant de l'addiction et du trouble de l'usage. « En 2021, dans neuf signalements sur 10, le patient présente une dépendance, un abus ou un usage quotidien (…), un nombre croissant (…) alors que ce n'était pas le cas il y a 5 ans », poursuit la Pr Caroline Victorri-Vigneau.
Des atteintes neurologiques évocatrices
Parmi les cas déclarés aux centres d'addictovigilance, 80 % mentionnent également des complications neurologiques, tandis que 65 % des symptômes rapportés aux centres antipoison sont neurologiques ou neuromusculaires. La « consommation régulière s'accompagne de troubles neurologiques avec potentiellement des atteintes centrales et périphériques, parfois des paresthésies et des troubles de la marche. Ces atteintes sont parfois très graves : sclérose combinée de la moelle, myélopathie, neuropathies… Des symptômes thymiques, attaques de panique, délires, confusions, amnésies, irritabilité ou insomnies sont aussi rapportés », détaille la Pr Victorri-Vigneau.
Pour mieux détecter ces cas graves, l’ANSM invite les professionnels de santé à envisager la consommation du protoxyde d’azote en cas de signes évocateurs. Ceux-ci peuvent être neurologiques (spécifiques d’une atteinte centrale et/ou périphérique ; ou aspécifiques), cardiovasculaires (thrombotiques ou cardiaques) ou psychiatriques (manifestations comportementales, psychotiques, anxieuses, thymique, troubles de la vigilance).
La prise en charge doit être adaptée à la symptomatologie mais aussi pluridisciplinaire avec un versant addictologie, les troubles liés à l’usage (abus, dépendance) devant être recherchés. Les cas d’abus, de dépendance, ou d’usage détourné sont à déclarer. Les professionnels peuvent également se tourner vers les centres d’addictovigilance (CEIP-A) et antipoison (24 heures/24).
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