Les rendez-vous du Quotidien : dépendance à l’alcool

Le médecin généraliste au cœur de l’action

Publié le 16/02/2015
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La particularité de la dépendance à l’alcool, par rapport au tabac, est d’entraîner une mortalité plus précoce, avec une réduction de l’espérance de vie de vingt ans chez les hommes et de vingt-deux ans chez les femmes. La forte consommation quotidienne d’alcool augmente le risque de mortalité. « En effet, la consommation d’alcool et la mortalité toutes causes confondues répondent à une relation exponentielle, observe le Pr Henri-Jean Aubin (1). De ce fait, la réduction même modeste de la consommation d’alcool chez un gros buveur a un impact positif sur sa santé. »

À long terme, l’alcoolodépendance est le quatrième facteur de risque de morbidité après l’hypertension artérielle, le tabac et le surpoids ; elle est la cause directe de plus de soixante maladies et contribue au développement de plus de deux cents maladies. Les conséquences à court terme de l’alcoolodépendance sont individuelles, familiales, socioprofessionnelles.

Face à ce problème de santé publique, le médecin généraliste est en première ligne pour repérer les abus occasionnels, la consommation moyenne par jour ainsi que l’alcoolodépendance.

Ce qui doit inciter le MG à repérer et diagnostiquer

Comme l’explique le Dr Anita Diu-Hercend (2), « un changement notable bio-psychosocial, des antécédents familiaux de dépendance à l’alcool, la précarité, une maladie psychiatrique, d’autres addictions, des situations de stress, des deuils… doivent amener à un repérage systématique ».

L’Audit-C est un outil de repérage à disposition du MG comprenant trois questions visant à évaluer : la notion de fréquence ; la quantité consommée dans une journée standard ; la quantité consommée dans une journée de consommation excessive. Le score global oriente vers une probable dépendance en cas de score élevé ; de mésusage probable en cas de score intermédiaire (mais pas encore de signes de dépendance).

Rappelons que les seuils de consommation à ne pas dépasser (21 verres/semaine chez l’homme, 14 verres/semaine chez la femme et jamais plus de 4 verres par occasion pour l’usage ponctuel) ont été définis en fonction du risque occasionné au-delà de ces seuils sur les plans psychique et somatique.

Laisser le patient décider de son objectif

En pratique, explique le Pr H.-J. Aubin, « la prise en charge a considérablement évolué, elle ne repose plus sur l’abstinence en tant que seul objectif recevable, mais sur l’écoute du patient, ce qu’il est prêt à accepter comme option ». L’idée est de faire sentir au patient que sa décision lui appartient, que le médecin est à son service pour l’aider à réussir le défi qu’il se donne en termes de changement.

En cas de mésusage et en l’absence de comorbidité hépatique, il est possible de proposer au patient une réduction de sa consommation d’alcool car la finalité est de réduire les risques sur sa santé.

En cas de dépendance, l’abstinence est idéalement recommandée, en veillant au risque de sevrage dont la prise en charge est le plus souvent ambulatoire (prescription de benzodiazépines en première intention). Le maintien de l’abstinence s’appuie sur un traitement médicamenteux (acamprosate ou naltrexone et, en deuxième intention, disulfirame ou baclofène ainsi que vitamine B1) et sur l’intervention psychosociale à visée motivationnelle.

Si le patient préfère réduire sa consommation, il est recommandé de suivre son objectif. Quand l’intervention psychosociale ne suffit pas, deux nouveaux médicaments d’aide à la réduction peuvent être utilisés : en première intention, le nalmefène et, en deuxième intention, le baclofène dans le cadre d’une RTU (recommandation temporaire d’utilisation). Une des clés de la réussite dans le cadre de la stratégie de réduction est de veiller à la tenue d’un agenda de consommation.

Pour conclure, le Pr H.-J. Aubin et le Dr A. Diu-Hercend rappellent que le principe général en cas d’alcoolodépendance est l’abstinence en tant qu’objectif à long terme. Mais, si le patient n’est pas prêt à l’abstinence, il importe de l’accompagner dans un objectif de réduction de façon à ce qu’il constate par lui-même où en est sa perte de contrôle par rapport à l’alcool.

(1) Pr Henri-Jean Aubin, psychiatre addictologue, chef du service de psychiatrie, hôpital Paul-Brousse, Villejuif, président de la SFA (Société française d’alcoologie)

(2) Dr Anita Diu-Hercend, médecin addictologue, médecin coordinateur au CSAPA-ANPAA 75.

* Réunion « Rendez-vous du Quotidien » sur « Dépendance à l’alcool : le médecin généraliste au cœur de l’action », organisée à Paris avec le soutien institutionnel des laboratoires Lundbeck

Dr Martine ANDRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9387