Deux études publiées (voir encadré) ce mardi dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH ») soulignent le poids considérable que font peser l’alcool et les pathologies qui lui sont liées au système de santé. En plus des 49 000 morts par an qui lui sont attribués – deuxième cause évitable de mortalité prématurée après le tabac (78 000 morts) – et d’un coût social estimé 17,6 milliards d’euros, l’alcool est l’une des premières causes d’hospitalisation en France.
580 000 hospitalisations
Les Prs François Paille et Michel Reynaud ont, à la demande du ministère de la Santé, analysé tous les séjours hospitaliers liés à l’alcool survenus en 2012, quelle qu’en soit la durée et quel que soit le type de service. Les données ont ensuite été comparées à celles de 2006 pour les hospitalisations en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO) et à celles de 2009 pour les hospitalisations en psychiatrie et soins de suite et de réadaptation (SSR).
En 2012, plus de 580 000 hospitalisations (316 824 patients) en MCO ont été motivées par l’alcool, en augmentation de 11,3 % par rapport à 2006, pour un coût de 1,22 milliard d’euros. Les séjours sont très majoritairement (83,9 %) dus à des intoxications aiguës ou à des complications de l’alcool. Les séjours pour traitement de la dépendance à l’alcool ne représentent que 16,1 % de l’activité.
En psychiatrie, plus de 2,7 millions de journées étaient en rapport avec un diagnostic « alcool », soit 10,4 % du total des journées dans les services psychiatriques. La majorité de ces journées (68 %) concernaient la dépendance à l’alcool.
Plus que pour le diabète
Le coût sanitaire de l’alcool – 2,6 milliards – a jusqu’ici été sous-estimé. « Les cancers (gorge, foie, œsophage, etc.) sont la 1re cause de mortalité due à l’alcool (15 000 décès par an) », rappellent les Prs Paille et Reynaud. Or beaucoup de ces hospitalisations pour cancers liés à l’alcool n’apparaissent pas dans les statistiques, faute d’être correctement signalées lors du séjour. Même chose pour les pathologies cardio-vasculaires (8 % de la mortalité cardio-vasculaire, soit 12 000 décès par an) ou la psychiatrie où les comorbidités sont fréquentes.
Les auteurs ont comparé ces données (MCO et psychiatrie) avec celles du diabète, l’une des pathologies induisant le plus de soins médicaux et d’hospitalisation. « Les hospitalisations aiguës ou d’une dépendance à l’alcool sont plus nombreuses que celles pour prises en charge du diabète lui-même », concluent-ils. À noter que le classement s’inverse lorsque l’on considère les complications, très fréquentes pour l’alcool mais encore plus nombreuses pour le diabète.
Une prise en charge du sevrage insuffisante
L’étude montre en revanche, que les séjours MCO pour sevrage des patients alcoolo-dépendants sont 4 fois moins fréquents que les séjours pour prise en charge de complications de l’alcoolo-dépendance.
Cela confirme, comme le note à l’AFP le Pr Reynaud, « l’insuffisante prise en prise en charge des comportements d’alcoolisation excessive et du sevrage, d’abord aux urgences puis ensuite au cours d’hospitalisation pour ivresse ». Si les complications de l’alcool sont bien prises en charge, le comportement de consommation « est encore trop rarement abordé », soulignent les deux auteurs. À noter que comportements de bing drinking ne sont pas seulement observés chez les jeunes mais existent aussi chez l’adulte.
Formation en alcoologie
Face au constat d’un important sous-diagnostic des conduites d’alcoolisation, les Pr Paille et Reynaud soulignent la nécessité de proposer aux patients accueillis pour ivresse dans les services d’urgence une évaluation et un entretien portant sur leur relation à l’alcool, de préférence par l’intermédiaire d’une équipe de liaison en addictologie. Si besoin, les patients devront être orientés vers une prise en charge en addictologie. Ils préconisent par ailleurs d’améliorer la formation en alcoologie des services d’urgence et des services non spécialisés en addictologie. Les moyens attribués aux équipes de liaison devront être renforcés.
Cirrhoses
L’étude sur les recours aux soins pour cirrhose réalisée par Bertrand Condat et coll. montre que la cirrhose alcoolique reste un enjeu majeur. En une seule semaine et dans 42øservices d’hépato-gastro-entérologie de centres hospitaliers généraux (20ø% du total français), un millier de patients atteints de cirrhose ont été admis, dont 74ø% d’origine alcoolique. Une consommation chronique d’alcool était relevée chez 34ø% des patients atteints de cirrhose viraleøC.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024