Baclofene et alcoolodépendance

Les conseils du Pr Jaury aux généralistes

Publié le 14/04/2014
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Crédit photo : PHANIE

« Le médicament miracle, ça n’existe pas et le problème de l’alcool ne se résume pas à la prescription d’un médicament », a souligné le Pr Jaury lors d’un atelier « baclofene » au programme du Congrès de la médecine générale qui s’est tenu la semaine dernière à Paris.

« Le baclofene ne se suffit pas à lui-même. Il ne guérit ni les traumatismes psychiques, ni la solitude, ni le mal de vivre, ni les difficultés relationnelles. C’est une bonne béquille, c’est une aide qui libère la pensée obsessionnelle de l’alcoolique, lui donne l’espace pour réfléchir et réorienter sa vie », résume le médecin généraliste addictologue, prescripteur de cette molécule hors AMM depuis 2008. Pour cet atelier, la salle bondée témoigne des fortes attentes et interrogations des omnipraticiens moins d’un mois après la publication de la recommandation temporaire d’utilisation du baclofène dans l’alcoolodépendance par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). « Le baclofene est une molécule difficile à prescrire qui nécessite de s’adapter au patient », avertit le Pr Jaury. Le point de départ consiste à retracer l’histoire du patient avec l’alcool, le retentissement de sa consommation sur son quotidien, son travail, sa famille, ses antécédents thérapeutiques, psycho-pathologiques, ses autres problèmes médicaux éventuels, sa consommation d’autres substances psycho-actives. Cet entretien préalable indispensable dans la consultation est également l’occasion d’évaluer les objectifs du patient en termes de réduction ou d’arrêt de consommation d’alcool ainsi que son niveau de motivation à les atteindre.

Commencer par de petites doses

S’agissant du dosage du traitement, « chaque patient est différent et nous ne connaissons pas encore de facteur prédictif de la dose efficace », indique le Pr Jaury qui préconise de se donner le temps pour trouver le bon traitement. « Il faut en moyenne trois à quatre mois pour y arriver. Quelques fois cela marche en 6 mois, dans d’autres cas en quinze jours », poursuit l’addictologue qui rappelle qu’il n’est pas nécessaire de sevrer le patient pour initier une prise en charge par baclofene.

Pour minimiser les effets indésirables, le Pr Jaury commence par prescrire « de toutes petites doses » avant de les augmenter très lentement. « Personnellement, je fais un demi-comprimé trois fois par jour pendant trois jours. Puis un comprimé, trois fois par jour pendant trois jours, puis un et demi et ainsi de suite… et je revois le patient à 6 comprimés au bout de deux semaines », explique-t-il. La posologie efficace atteinte sera maintenue de quelques semaines à quelques mois, avant d’amorcer une diminution progressive jusqu’à une dose d’entretien. Pour la première ordonnance, il faut s’inscrire dans le système RTU sur le site internet www.rtubaclofene.org. « C’est théoriquement la règle, mais c’est tellement compliqué… », considère le Pr Jaury qui conseille vivement aux néo-prescripteurs de « baclo » de se former en consultant notamment le forum « médecins » de l’association Baclofène ou le site Internet du réseau addiction baclofène (RESAB).

SAMUEL SPADONE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9318