Une étude britannique sur plus d’un million de femmes révèle les risques liés au tabagisme et les bénéfices au sevrage avec un recul de plus d’un demi-siècle. Si l’espérance de vie des fumeuses est raccourcie d’au moins dix ans par rapport aux non-fumeuses, un sevrage avant l’âge de 40 ans permet d’éviter plus de 90 % de la surmortalité liée au tabagisme.
Ce n’est pas parce que les femmes se sont mises à fumer plus tard qu’elles sont épargnées par les méfaits de la cigarette. La Million Women Study, une étude britannique sur 1,2 million de femmes nées dans les années 1940, révèle les risques sanitaires encourus par les fumeuses. Et le constat est sans ambiguïté : les dangers ont largement été sous-estimés, sans doute du fait de leur apparition décalée par rapport à ce qui a pu être observé chez les hommes, le tabagisme féminin n’ayant pris de l’ampleur que bien plus tard, dans les années 1960. La Million Women Study est ainsi la première grande étude à disposer du recul nécessaire pour prendre la mesure des conséquences du tabac au féminin.
L’espérance de vie des fumeuses est en moyenne raccourcie d’au moins dix ans. Chez les fumeuses ayant fumé toute leur vie, la mortalité globale est triplée par rapport aux non-fumeuses et à celles ayant arrêté bien avant 40 ans. Car si le tabagisme tue, le sevrage « permet de réduire les risques de façon substantielle », d’autant plus qu’il est entrepris tôt. Arrêter de fumer avant 40 ans permettrait ainsi « de réduire de 90 % l’excès de mortalité lié au tabac », et arrêter de fumer avant 30 ans de le réduire de plus de 97 %. Reste que malgré un sevrage précoce, les femmes ayant fumé jusqu’à l’âge de 40 ans gardent une mortalité augmentée de 20 %.
Un suivi de plus de douze ans
Le recrutement de la Million Women Study s’est fait sur la période 1996-2001 dans le cadre du programme de dépistage du cancer du sein au Royaume-Uni. Les participantes étaient revues lors de deux rendez-vous, à trois et huit ans, et toutes ont été suivies jusqu’en janvier 2011 via les registres nationaux de mortalité. Mode de vie, antécédents médicaux et facteurs socio-démographiques étaient renseignés à l’aide d’un questionnaire spécifique. Le tabagisme était renseigné à l’inclusion, les femmes étant invitées à préciser si elles étaient fumeuses ou ex-fumeuses et combien de cigarettes elles consommaient (< 5, 5 à 9, 10 à 14, 15 à 19, 20 à 24 et› 25). Les ex-fumeuses à la fois à l’inclusion et à la visite des trois ans et ayant arrêté avant 55 ans étaient classées selon l’âge du sevrage (< 25, 25 à 34, 35 à 44 ou 45 à 54). À noter que le tabagisme n’était pas côté en paquets-année, car « fumer 10 cigarettes pendant quarante ans n’est pas équivalent à en fumer 20 pendant vingt ans. Le risque de cancer du poumon est bien plus élevé à l’âge de 60 ans dans le premier cas de figure », expliquent les auteurs.
Même à moins de 10 cigarettes/jour
Une fois exclues les 100 000 femmes présentant une maladie grave préexistante (cancer, cardiopathie, maladie respiratoire), restaient 1,2 million de participantes, nées en médiane en 1943 et âgées de 55 ans. Globalement, 6 % sont décédées à l’âge moyen de 65 ans. À l’inclusion, 20 % (n = 232 461) étaient des fumeuses, 28 % (n = 328 417) des ex-fumeuses et 52 % (n = 619 774) des non-fumeuses. La mortalité à douze ans était multipliée par 2,76 chez les fumeuses à l’inclusion par rapport aux non-fumeuses, bien que 44 % (n = 37 240/85 256) d’entre elles avaient déclaré à la visite des huit ans avoir arrêté de fumer dans l’intervalle. La mortalité à la visite des trois ans était triplée pour celles fumant encore. Même chez les fumeuses de moins de 10 cigarettes/jour, la mortalité à douze ans restait doublée.
Un surrisque presque annulé avant 35 ans
Parmi les 30 causes de décès les plus fréquentes, 23 étaient significativement augmentées chez les fumeuses. Pour le cancer du poumon, la mortalité était multipliée par 21. L’excès de mortalité chez les fumeuses s’avérait en effet lié à des maladies dues au tabagisme. Chez les femmes ayant définitivement arrêté de fumer entre 25 et 34 ans, le risque relatif tendait à s’annuler à 1,05 pour la mortalité toute cause, mais restait à 1,84 pour celle liée au cancer du poumon. De même chez celles sevrées entre 35 et 44 ans, le risque relatif tombait à 1,20 pour la mortalité toute cause, mais s’affichait à 3,34 pour celle liée au cancer du poumon.
Ces résultats indiquent ainsi clairement qu’il n’est pas sans risque de fumer jusqu’à l’âge de 40 ans et qu’il ne suffit pas de s’arrêter pour remettre les compteurs à zéro. Il n’en reste pas moins qu’il existe de réels bénéfices au sevrage, visibles à un âge mûr mais aussi beaucoup plus tôt dans la vie. La Million Women Study montre que le sevrage tabagique permet de gagner dix ans d’espérance de vie, ce qui corrobore les résultats d’une précédente étude chez des médecins britanniques, la Doll’s Study. Pour que la lutte anti-tabac gagne en efficacité, ces résultats plaident pour des campagnes de santé publique à l’intention de publics spécifiques, comme les femmes et les jeunes.
The Lancet, publié en ligne le 27 octobre 2012.
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