LA RÉDUCTION des risques liés au tabac est progressivement remplacée par le concept de la réduction des dommages. « Il s’intéresse aux risques pour la santé et à la dépendance, précise le Pr Yves Martinet (Nancy). Jusqu’à ces dernières années, quand une personne fumait, on lui disait qu’il fallait arrêter complètement. Aujourd’hui, on lui propose un comportement un peu différent. On prend en compte la dépendance et on envisage des solutions de passage de la cigarette de tabac fumé à l’arrêt total d’apport de nicotine ». Les produits qui délivrent de la nicotine peuvent être classés en fonction de leur risque pour la santé, et de leur pouvoir addictogène d’autre part.
D’abord, du plus au moins dangereux : on trouve le tabac fumé à une extrémité de l’échelle et les substituts nicotiniques à l’autre. Entre les deux, le snus (tabac oral suédois moulu et humidifié), beaucoup moins nocif que le tabac fumé mais toutefois dangereux ; « deux nouveaux produits restent difficiles à classer : la cigarette électronique, probablement moins nocive que le tabac fumé, et le tabac chauffé, qui commence à apparaître sur le marché dans certains pays européens et aux États-Unis », précise le Pr Martinet. Ce dernier ne brûle pas mais est chauffé par un système électronique : le fumeur n’inhale plus de la fumée, mais de l’air, rempli de différentes saveurs issues du chauffage sans combustion du tabac.
La nicotine est une drogue extrêmement addictogène. L’induction de la dépendance étant fonction de sa vitesse d’arrivée au cerveau, on classe les produits sur ce critère : en tête, la nicotine du tabac fumé arrive en 8 secondes. Puis, le snus –un peu moins rapide mais qui entraîne quand même une dépendance importante– et quelques substituts nicotiniques, en particulier le spray nasal de nicotine (non commercialisé en France), par lequel elle arrive en 2 minutes au cerveau. Les patchs sont derniers, la nicotine mettant plusieurs heures à être délivrée. « On ne sait pas encore où va se positionner la cigarette électronique dans l’induction de la dépendance. Elle est mal située dans les dommages comme dans l’addiction », résume le Pr Martinet.
La diminution est illusoire.
Quand les fumeurs passent de 15 à 5 cigarettes par jour, ils ont l’impression de diminuer les risques pour leur santé : c’est faux. La diminution de consommation s’accompagne de modifications du mode de fumage : les inhalations sont plus profondes, la fumée est gardée plus longtemps dans les poumons, et nombreux sont les fumeurs qui, en bloquant les pores du filtre, suppriment ses effets. C’est le phénomène de compensation.
Les risques pour la santé diminuent très peu, en particulier pour le risque cardiovasculaire, qui commence avec une ou deux cigarettes et augmente très rapidement avec une petite consommation. Quant au risque de cancer du poumon, il ne dépend pas du nombre de cigarettes fumées mais de la durée en années du tabagisme. « L’objectif du sevrage est donc zéro pour le tabac fumé, insiste le Pr Martinet. Il faut passer, transitoirement, à d’autres voies d’administration de nicotine moins dangereuses. Il ne faut pas croire qu’en fumant 5 cigarettes par jour ou en vapotant, les risques sur la santé vont diminuer. D’autant que l’industrie du tabac essaye de plus en plus de recruter de jeunes fumeurs. Elle est en train de racheter toutes les marques de cigarettes électroniques. Pour les vendre, il faudra que les doses de nicotine délivrées soient addictives. Le risque est que certains jeunes entrent dans la dépendance à la nicotine par la cigarette électronique. L’industrie va faire ce qu’elle a fait pour le tabac fumé, à savoir l’ajout d’arômes qui rendra le fait de fumer plus séduisant. Un grand nombre de jeunes vont ainsi devenir dépendants à la nicotine. »
Entretien avec le Pr Yves Martinet, chef de service de Pneumologie, CHU de Nancy
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