Chaque année, la Société française de médecine d’urgence (SFMU) propose des « masterclass » sur un thème précis : le 25 mars prochain, une session sera organisée sur la traumatologie non vitale du membre supérieur, avec des médecins urgentistes et des chirurgiens orthopédistes.
Le poignet en première ligne
Le premier réflexe lors d’une chute étant de mettre les mains en avant, le poignet est l’articulation la plus souvent touchée. Parfois, le diagnostic de fracture ou d’entorse grave est évident, tant le poignet est rouge, gonflé, déformé et/ou avec une ouverture cutanée nécessitant l’envoi en centre de la main ou aux urgences de l’hôpital. Parfois encore, le tableau est rassurant car la personne n’a pas chuté mais s’est légèrement cognée et le poignet semble normal, tant sur le plan anatomique que fonctionnel. « Cependant, dans la très grande majorité des cas, on est entre les deux : il y a bien une douleur mais pas ou peu d’œdème et le diagnostic n’est pas évident. Le piège serait alors de passer à côté d’une fracture ou d’une atteinte ligamentaire (entorse grave), dont les conséquences à long terme seraient une arthrose précoce ou une instabilité de l’articulation », prévient le Dr Richard Chocron, urgentiste (hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP), qui recommande : « Il est alors important de s’enquérir du type de chute, pour estimer la force qui s’est appliquée sur le poignet ; du profil du patient, à la recherche d’une certaine fragilité osseuse (ostéoporose, prise de corticoïdes au long cours) ; et de son activité, pour mieux comprendre son niveau d’exigence (surtout s’il utilise constamment son poignet pour des raisons professionnelles). »
Pour le poignet, dans la grande majorité des cas, le diagnostic n’est pas évident
Dr Richard Chocron
L’examen clinique recherche une impotence fonctionnelle (en flexion, extension, pronation, supination), une douleur ou une limitation provoquée – qui pourrait orienter vers une atteinte ligamentaire ou osseuse –, la présence d’un gonflement ou d’une déformation (signe d’une lésion anatomique), d’un hématome, sans oublier l’examen moteur et sensitif. Un trouble moteur ou sensitif nécessite l’envoi aux urgences pour une évaluation. « Une atteinte vasculaire, avec des doigts ou une main froide, qui ne se recolorent pas quand on appuie dessus, signent une urgence et le patient doit être immédiatement adressé dans un centre de la main », rappelle le Dr Chocron.
Pour les patients qui n’ont pas de trouble moteur, sensitif, ni vasculaire, une radiographie peut être réalisée au moindre doute en ville : « Cependant, cet examen peut ne pas tout détecter ; le patient doit en être informé. En cas de discordance radioclinique, il ne faut pas hésiter à le reconvoquer pour le réévaluer dans les cinq jours. En attendant, mieux vaut immobiliser son poignet avec une attelle amovible car c’est de toute façon le traitement d’une petite fracture qui serait passée inaperçue, préconise le Dr Chocron. Si la douleur persiste avec une gêne fonctionnelle, l’immobilisation est poursuivie et un scanner ou une IRM du poignet peuvent être demandés dans les jours qui suivent, notamment à la recherche d’une atteinte ligamentaire ou d’une discrète fracture du scaphoïde ou du triquetrum par exemple, passée inaperçue à la radiographie. Si tout est redevenu normal, alors l’attelle peut être retirée. »
Épaule : souvent le sport ou l’âge
Quand le trauma concerne l’épaule, là aussi, l’évaluation motrice et neurologique est nécessaire, tout comme l’examen vasculaire (et notamment la prise des pouls), à la recherche d’une urgence. « Mais, le plus souvent, on n’est pas dans ce contexte. Deux profils sont essentiellement concernés par une atteinte de l’épaule : le jeune sportif tombé sur l’épaule, et la personne âgée qui tombe de sa hauteur sans avoir le réflexe de mettre sa main. Comparativement au poignet, c’est une articulation mieux protégée sur le plan musculaire mais, en cas d’impotence fonctionnelle, une fracture est probable », prévient le Dr Chocron.
À la radiographie, un des pièges classiques est de ne pas visualiser toute la clavicule, « alors que c’est le siège d’une fracture assez fréquente chez le jeune », rappelle le spécialiste. Œdème, hématome, douleur et le fait de tenir son bras avec l’autre, sont des signes d’alerte, qui indiquent l’examen.
« Il faut aussi demander un comparatif avec l’autre épaule en cas de douleur très localisée. Un écartement plus grand entre acromion et clavicule au niveau de l’épaule douloureuse, par comparaison avec l’épaule indemne, signe une entorse acromioclaviculaire, nécessitant aussi une immobilisation. Sans ce comparatif, la probabilité qu’elle passe inaperçue est importante », met en garde le Dr Chocron.
Quand le bras a été étiré, notamment parce que la personne a essayé de se rattraper, la situation est différente : c’est plutôt une atteinte de la coiffe des rotateurs qui est à craindre, surtout si la personne se plaint d’avoir mal pour certains mouvements et de ne plus arriver à lever son bras, par exemple. Comme pour le poignet, l’examen clinique a son importance pour retrouver quel mouvement déclenche la douleur. Prescrire une échographie ou un arthroscanner est préférable, pour visualiser quel tendon de la coiffe des rotateurs est atteint (la radiographie ne montre rien) : en attendant, le membre est immobilisé et le patient informé que certaines lésions ne sont pas visibles sur la radiographie, d’où la nécessité de ces examens.

Entretien avec le Dr Richard Chocron (HEGP, AP-PH)
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024