Manger moins de viande rouge est une mesure de prévention du cancer colorectal. Mais jusqu'ici le lien entre les deux n'était pas bien compris. Des chercheurs de Harvard expliquent, dans la revue « Cancer Discovery », avoir identifié des dommages caractéristiques de l'ADN causés par un régime alimentaire très riche en viande rouge : une signature alkylante, plus fréquente sur le segment colorectal distal, prédictive de mutations de type KRAS notamment et associée à une moins bonne survie.
Cette découverte va dans le sens d'un effet cancérigène de la viande rouge. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer l'avait classée comme cancérogène probable, et la charcuterie comme « cancérogène avéré ». Pour le Dr Marios Giannakis, oncologue au Dana-Farber Cancer Institute et auteur senior de l'étude, il ne s'agit pas de totalement arrêter de manger de la viande rouge : « je recommande la modération, et un régime alimentaire équilibré », affirme-t-il. Ces travaux ouvrent la voie à une détection plus précoce ou au développement de nouveaux traitements.
Une méthodologie originale
Pour ce travail, les chercheurs se sont appuyés sur trois vastes cohortes totalisant 280 000 personnes entre 1970 et 1980, dont 900 atteintes de cancer colorectal ont été retenues pour l'analyse. Les scientifiques ont croisé les informations sur le mode de vie et les habitudes alimentaires avec le séquençage entier du génome.
Jusqu'à présent, les études scientifiques n'avaient établi un lien que sur les habitudes alimentaires seules, exposant à des biais. En 2019, une équipe de chercheurs avait créé la controverse en affirmant qu'il était très peu sûr qu'une réduction de la consommation de viande rouge abaisse la mortalité par cancer.
La force de cette nouvelle étude est qu'ainsi les participants ne pouvaient pas savoir qu'ils allaient développer ce cancer, contrairement à un interrogatoire sur des habitudes alimentaires conduit une fois la maladie déclenchée.
Les chercheurs américains ont d'abord mis en évidence une signature spécifique d'alkylation. De hauts niveaux d'alkylation n'ont été constatés que dans les tumeurs de patients mangeant en moyenne plus de 150 grammes de viande rouge par jour. Aucune corrélation n'a été observée avec la consommation de volaille et de poisson.
Quels gènes sont affectés ?
L'équipe propose un mécanisme à l'œuvre dans cette association. « Avec la viande rouge, il y a des composés chimiques qui peuvent causer une alkylation », explique Marios Giannakis. Il s'agit de composés pouvant être produits à partir de fer, très présent dans la viande rouge, ou de nitrates, que l'on trouve souvent dans la viande transformée.
Autre argument en faveur d'un lien de causalité : alors que la signature est très présente dans le côlon distal, de précédentes études avaient suggéré que cette partie du système digestif était fortement liée au cancer colorectal résultant de la consommation de viande rouge.
Quelles conséquences entraîne cette altération de l'ADN ? La signature est associée à une forte probabilité de mutations connues pour être oncogènes − KRAS p.G12D, p.G13D mais aussi PIK3CA p.E545K. L'activité de la signature était plus élevée dans les tissus ainsi mutés. Les patients dont les tumeurs présentaient le plus haut niveau d'alkylation avaient 47 % de risque en plus d'en mourir.
Pour le chercheur, cette découverte pourrait permettre de faire de la prévention (la signature alkylante étant présente au sein de cryptes coliques normales) avec des interventions alimentaires précoces, ou encore de développer des traitements ciblés, la signature étant associée à des mutations oncogènes.
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