Moins de complications pulmonaires et de complications postopératoires et pas de fistule anastomotique… L’œsophagectomie hybride (associant une première étape mini-invasive et une deuxième étape en chirurgie ouverte) améliore le vécu des patients atteints de cancer de l'œsophage opérable, comparée à une chirurgie ouverte. C'est ce que confirme le suivi à cinq ans de l'essai randomisé français MIRO publié dans le « JAMA Surgery ». Les données de l'étude font également état d'une augmentation de la survie, mais cette dernière n'était pas statistiquement significative. Elles sont toutefois en faveur d'un recours plus large à la laparoscopie en France.
L'étude en question est une analyse post hoc de l'étude menée entre 2009 et 2012 dans 13 centres français. Les 207 patients recrutés étaient des adultes (des hommes dans 85 % des cas), avec un âge médian de 61 ans, présentant une tumeur opérable localisée entre la moitié et le tiers inférieur de l'œsophage. Une opération hybride se décompose en deux étapes : la partie abdominale de l'opération, consistant à préparer l'estomac pour qu'il forme un tube et remplace l'œsophage est faite en laparoscopie, tandis que la partie thorax, visant à retirer la pièce chirurgicale, est faite par chirurgie ouverte.
L'amélioration de la survie liée à la diminution des comorbidités
La survie globale des patients bénéficiant d'une chirurgie mini-invasive était de 59 % à cinq ans, contre 47 % dans le groupe traité par chirurgie ouverte. La survie médiane et la survie sans progression étaient également améliorées dans le groupe traité par chirurgie hybride. Toutefois, ces différences n'étaient pas statistiquement significatives. Il n'y avait pas non plus de différence statistiquement significative en termes de taux de récidive entre les deux groupes (50 % dans le groupe chirurgie hybride contre 57 % dans le groupe chirurgie ouverte).
« À l’origine, l'objectif de l'étude était de montrer une diminution des complications postopératoires et des complications pulmonaires, se souvient le Pr Guillaume Piessen, chef du service de chirurgie générale et digestive du CHRU de Lille et dernier auteur de l'étude. À trois ans, on l'avait déjà démontré, mais on avait aussi observé que l'on était proche de la significativité en ce qui concerne la survie. Nous avons donc voulu savoir si cette différence devenait significative au bout de cinq ans. »
Sur ce dernier point, les chercheurs ne sont pas parvenus à leur fin. En revanche, l'analyse multivariée a prouvé pour la première fois que l'amélioration de la survie est liée à la diminution des comorbidités. « On ne peut pas dire de façon directe qu'on améliore la survie, mais on diminue les complications qui sont les facteurs explicatifs de la tendance à l'amélioration de la survie », analyse le Pr Piessen. De manière générale, la survie des patients reste faible : « Les patients souffrant d'un cancer de l'œsophage, même opérés, font toujours des récidives, et ne meurent pas d'autre chose que de leur cancer », constate le Pr Piessen.
Un cancer toujours très meurtrier
Bien que des progrès substantiels aient été obtenus, notamment dans le domaine des thérapies multimodales, la survie à cinq ans tout stage confondu après un diagnostic de cancer de l'œsophage est estimée entre 10 et 25 %. La résection de l'œsophage constitue le principal moyen de guérir ce cancer, mais elle est associée à un grand nombre de complications, en particulier pulmonaires.
Plusieurs études avaient démontré le bénéfice probable des techniques mini-invasives, telles que l'étude néerlandaise TIME, dans laquelle l'œsophagectomie par thoracoscopie et laparoscopie était associée à une amélioration de la survie ans progression à trois ans. La survie globale et la survie sans progression étaient également meilleures dans le bras chirurgie mini-invasive de l'étude allemande ROBOT qui comparait l'œsophagectomie mini-invasive robot-assistée à la chirurgie ouverte.
« Dans notre étude, les complications pulmonaires sont associées à une diminution de la survie globale et de la survie sans progression, poursuit le Pr Piessen. Il est possible que les fistules anastomotiques soient en partie responsables des effets indésirables postopératoires. » Or, ce type de complication n'était pas retrouvé dans le groupe sous chirurgie hybride.
La France tarde à se convertir au mini-invasif
Selon les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), sur 2 677 opérations réalisées entre 2017 et 2019, 1 003 ont été faites par voie ouverte, 1 500 par voie hybride et 174 par voie mini-invasive. « Dans les centres experts, sur 100 œsophagectomies, 50 sont faites par voie ouverte, 25 par voie hybride et 25 par voie mini-invasive, ajoute le Pr Piessen. Si on parvient à faire passer la moitié des opérations faites en voie ouverte en voie hybride, on aura déjà une forte amélioration. Si on regarde les résultats de l'étude néerlandaise TIME, on voit que l'on obtient une amélioration avec la chirurgie totalement mini-invasive comparée à la chirurgie hybride que si c'est un chirurgien expert qui opère. »
Dans les prochaines semaines, des seuils vont être mis en place, imposant un minimum de cinq procédures par an pour avoir le droit de réaliser une œsophagectomie. « C'est encore trop peu mais c'est un pas en faveur de la centralisation qui est très en retard en France, explique le Pr Piessen. Le risque de décès postopératoire (dans les 90 jours) est plus élevé de 80 % dans les petits centres que dans ceux qui ont des gros volumes d'activité. »
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024