Cancers de l'enfant : des engagements pour relancer la recherche à l'occasion de la journée mondiale

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Publié le 15/02/2022

Crédit photo : S.Toubon

Les cancers de l'enfant sont encore le parent pauvre des efforts engagés dans la lutte contre le cancer. À l'occasion de la journée mondiale des cancers de l'enfant et à la veille du vote d'un plan européen de lutte contre le cancer, qui comporte un important volet pédiatrique, les initiatives se multiplient pour relancer la progression de la prise en charge de la pathologie et des séquelles.

Les bons résultats de survie des cancers pédiatriques - 83 % de survie à 5 ans - sont souvent mis en avant, mais ce chiffre n'a pas évolué depuis de nombreuses années, et les séquelles peuvent être extrêmement lourdes. Chaque année, près de 2 500 nouveaux cas de cancers sont recensés chez les enfants et les adolescents, auxquels s’ajoutent 1 000 cas chez les jeunes adultes âgés de 20 à 25 ans, pour un total de 500 décès (6 000 en Europe). Le cancer reste la première cause de décès par maladie chez les moins de 20 ans. Cela représente 1 à 2 % de l'ensemble des cancers diagnostiqués.

« Chez l'adulte, environ 40 % des cancers sont évitables en agissant sur le mode de vie, mais pas chez l'enfant, ajoute Patricia Blanc, présidente de l'association Imagine for Margo. Or, seulement 10 % des cancers pédiatriques sont génétiques. Il faut comprendre l'origine des 90 % restant. »

Les acteurs s'organisent

Pour répondre à ces questions, la Ligue contre le cancer a soutenu 41 projets de recherche, pour un montant de 3,63 millions d’euros réparti entre 11 équipes. La Ligue s'est fixé plusieurs objectifs dont l'élucidation des raisons de l’apparition des cancers et de leur progression.

À l'occasion du colloque Fast organisé par l'association Imagine for Margo le 12 février, douze acteurs stratégiques (Unicancer, Gustave-Roussy, Institut Curie, le Leem, les laboratoires Roche, Sanofi, BMS, Amgen, Orphelia…) et huit associations ont signé une charte de soutien à l'oncopédiatrie. « Ce n'est pas une pétition mais une véritable charte d'engagement, précise la présidente d'Imagine for Margo », prévient Patricia Blanc. Les signataires promettent notamment de reconnaître le statut de cancer rare chez l’enfant et l’adolescent, d'accélérer la mise au point de nouveaux traitements et d'essais cliniques, d'œuvrer pour le développement de la formation en oncologie pédiatrique et l'information des familles.

Dans le même temps, l'association Imagine for Margo, en association avec Creative Valley, va passer, dès le mois de février, à la phase opérationnelle de l'écosystème « Made for Kids » destiné à attirer investisseurs et des start-up pour répondre aux besoins spécifiques de l'oncologie pédiatrique. « Nous allons partir de problématiques concrètes comme la perte de fertilité à l'âge adulte ou la rééducation, et essayer de rassembler financeurs, chercheurs autour de projets de solution à mettre en face de ces problèmes », précise Patricia Blanc. Exemple concret : s'il s'avère qu'une molécule peut être repositionnée, un appel d’offres pourra être lancé afin d'identifier une start-up pour réaliser les essais cliniques nécessaires.

Cet incubateur disposera de locaux dont l'emplacement n'a pas encore été défini, même si le plateau de Saclay est envisagé. Un centre pilote de prise en charge des cancers pédiatriques va également voir le jour à Chambourcy.

Un rapport européen qui donne le la

La Pr Véronique Trillet-Lenoir porte un rapport sur le renforcement de l’Europe dans la lutte contre le cancer, doté d'un important volet pédiatrique. Prévu pour être voté le 16 février, il propose notamment de réviser les règlements européens des maladies pédiatriques et orphelines, « qui existent depuis 2007 et qui n'ont pas vraiment amélioré les choses, explique l'eurodéputée au « Quotidien ». Aujourd'hui, il n'existe que neuf médicaments innovants spécifiques aux cancers de l'enfant, et seuls 10 % des enfants éligibles y ont accès. »

Concernant les médicaments de l’adulte, « il faut une réglementation des essais cliniques qui incite, pour les cancers graves et fréquents de l'enfant comme le neuroblastome ou le glioblastome, à prévoir un volet pédiatrique dans les essais cliniques », ajoute le Pr Triller-Lenoir.

Le texte propose aussi d'étendre la directive des soins transfrontaliers pour qu'elle prévoie la prise en charge des déplacements et de l'hébergement des malades et de leurs familles et plus seulement le traitement. « Il faut le faire, mais ce n'est qu'une solution provisoire, réagit le Pr Trillet-Lenoir. À terme, il faut développer des capacités locales de prise en charge, et notamment des centres experts. » Le rapport propose aussi la création d'un réseau européen de jeunes ayant survécu au cancer.

« Un autre point très important à mes yeux est le droit à l'oubli, inventé par la France et adopté par cinq pays. Nous devons maintenant nous battre pour qu'il soit aussi adopté par les 22 pays qui restent », insiste le Pr Trillet-Lenoir.

En France, la stratégie décennale de lutte contre les cancers, ainsi que la loi de 2019, impliquent un budget dédié aux cancers de l'enfant. Pour l'heure, « ce n'est pas une réalité opérationnelle : il n'y a que 5 millions d'euros dédiés à la recherche fondamentale, et là encore les cancers pédiatriques sont dilués », détaille Patricia Blanc.

Manque de traitements spécifiques

« Les cancers pédiatriques ont des spécificités et besoin de traitements nouveaux, explique Patricia Blanc. On ne peut plus attendre 10 ans qu'un traitement prouve son efficacité chez l'adulte pour l'adapter à l'enfant. Pour des pathologies causées par la même anomalie moléculaire chez l'adulte et chez l'enfant, on doit pouvoir mettre le même médicament à disposition. »

Problème : les cancers pédiatriques sont un petit marché qui peine à convaincre les laboratoires des investissements nécessaires, par exemple pour comprendre les différences de fonctionnement de l'immunothérapie entre enfants et adultes. C'est d'ailleurs dans l'objectif de résoudre ce problème d'attractivité que le nouveau modèle économique « Made for Kids » a été imaginé.


Source : lequotidiendumedecin.fr