« SI JE POUVAIS écrire, je n’aurais pas le cancer », a dit un jour à la romancière Louise L. Lambrichs le psychanalyste Pierre Cazenave. Celle-ci lui a donc prêté sa plume pour transcrire et transmettre, après de longs échanges, sa réflexion sur le cancer et ses liens avec le psychisme. Le livre paraît en 1994 ; Pierre Cazenave meurt l’année suivante d’un cancer avec lequel il vivait depuis plus de quinze ans. Il rêvait d’un centre d’accueil thérapeutique animé par la psychanalyse pour les patients atteints de cancer. Celui-ci ouvre enfin ses portes, à Paris, en 1998, à l’initiative de la psychanalyste Françoise Bessis et d’une équipe de confrères regroupés dans le cadre de l’association Psychisme et Cancer. Louise L. Lambrichs, aujourd’hui vice-présidente du comité scientifique de l’association, participe encore étroitement à cette aventure.
La nouvelle édition de l’ouvrage, enrichie de nouvelles contributions (Serge Leclaire, Françoise Bessis, Pierre Cazenave), permet de mesurer le chemin parcouru par ce projet unique, destiné, selon les mots de Pierre Cazenave, à permettre aux sujets malades de « devenir et d’être soi-même autant que possible, et jusqu’au bout de vivre pleinement, les yeux ouverts, présent aux autres et à soi-même », soutenus par une psychanalyse revisitée « renouant ici avec sa vocation première de recherche, d’exploration, de questionnement ».
Dans cette pièce fondatrice du centre qu’est « le Livre de Pierre », le psychanalyste et l’écrivaine évoquent les grandes questions qui se posent aux malades, tout en montrant quelle peut être la place et l’apport de la démarche psychanalytique, même revisitée du fait des particularités de la maladie, dans ce contexte difficile à vivre. « Du fait de l’accélération du temps, les gens prennent une densité qu’ils n’ont pas ordinairement.Ils sont plus près d’eux-mêmes », dira Pierre Cazenave.
Résonances.
La dimension psychique de la maladie doit être prise en compte non seulement au départ, pour faire face dans l’urgence au traumatisme, mais aussi dans la durée, pour soutenir les forces créatrices, les énergies nouvelles qui peuvent se faire jour. D’où l’idée de faire émerger et d’entendre, via l’outil psychanalytique, dans l’histoire du sujet, les résonances que suscite la confrontation avec le cancer, la réactualisation d’une détresse ancienne ou de traumas précoces, de façon à faire face à l’angoisse et à éviter d’être écrasée par elle, explique-t-il. Tout en analysant ce qui a été fondamental pour lui dans cette démarche et lui a permis de tenir debout psychiquement.
Si la démarche proposée ici tente de se fonder et de s’enrichir de l’apport d’auteurs majeurs de la théorie psychanalytique et de concepts opérants (la maladie du nourrisson dans l’adulte, le vrai soi et le faux soi, la maladie des idéaux ou celle des liens), elle doit avant tout à demeurer clinique, au plus près de la vérité de chacun.
Aujourd’hui, le centre et les membres de l’association offrent des consultations thérapeutiques mais se veut aussi lieu d’aiguillage possible vers d’autres démarches bénéfiques pour les patients, comme pour les soignants, et collaborent avec de nombreuses associations œuvrant dans le domaine du cancer.
À l’heure d’une pratique médicale de plus en plus soumise aux énoncés de la science et de moins en moins engagée à l’égard des malades, cette démarche apparaît précieuse pour tous.
Louise L Lambrichs, « le Livre de Pierre - Psychisme et cancer », Seuil, 380 pages, 22 euros.
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