Un curage ganglionnaire étendu lors de la cystectomie pour cancer musculo-invasif améliore-t-il la survie ? C’est ce qu’a cherché à savoir l’essai de phase 3 Swog S1011. Les résultats montrent qu’un curage étendu n’offre aucun bénéfice par rapport à la procédure standard et qu’il augmente même la morbidité et la mortalité péri-opératoire à 90 jours.
Pour les auteurs, ces résultats plaident en faveur du curage ganglionnaire « standard », où seuls les ganglions iliaques externes et internes et les ganglions obturateurs sont enlevés lors de la cystectomie. « Avant l'essai S1011, la plupart des centres universitaires avaient adopté une lymphadénectomie plus étendue sur la base des travaux précurseurs de Don Skinner et d'autres chercheurs. Avec l'essai allemand LEA, dirigé par Juergen Gschwend, S1011 répond à une question chirurgicale très pertinente, à savoir si une lymphadénectomie étendue présente un avantage sur le plan oncologique », détaille le Dr Lerner, investigateur principal de l’essai.
Cet essai a été financé par le National Cancer Institute (NCI) américain et la Société canadienne du cancer, et coordonné par le Swog (Cancer Research Network du NCI). Les résultats sont publiés dans le New England Journal of Medicine.
À 90 jours, 6,5 % de décès dans le groupe étendu versus 2,3 %
L’étude a randomisé 592 patients – ayant un cancer de la vessie localisé musculo-invasif de stade T2 à T4 avec 0 à 2 ganglions atteints – soit dans le groupe curage ganglionnaire standard (n = 300), soit dans le groupe curage ganglionnaire étendu (n = 292). Les cystectomies ont été effectuées par 36 chirurgiens de 27 centres américains et canadiens, et le curage standard n’était réalisé qu’en l’absence de propagation ganglionnaire étendue.
Ces chirurgiens devaient avoir réalisé au moins 50 cystectomies dans les trois dernières années et au moins 30 dans l’année. Le nombre médian de ganglions lymphatiques enlevés était de 24 dans le bras standard contre 39 dans le bras étendu ; la présence et l'étendue des métastases dans les ganglions lymphatiques étaient similaires dans les deux groupes. Parmi les patients randomisés, 57 % avaient reçu une chimiothérapie néoadjuvante.
Avec un suivi médian de 6,1 ans, la survie sans maladie à cinq ans était de 60 % dans le bras standard et de 56 % dans le bras étendu (HR = 1,10), et la survie globale à cinq ans était de 63 % dans le bras standard et de 59 % dans le bras étendu (HR=1,13). Après l'intervention chirurgicale, environ 44 % des patients du groupe standard ont subi des effets indésirables de grade 3 à 5 (effets secondaires graves), contre 54 % dans le groupe étendu. De plus, dans les 90 jours suivant l'opération, 2,3 % des patients du groupe standard sont décédés, contre 6,5 % des patients du groupe étendu.
Parmi les patients ayant fait une rechute, le premier site de récidive était local chez 23 % des patients du groupe standard et chez 35 % de ceux du groupe étendu ; à distance respectivement chez 62 et 51 % ; et à la fois local et à distance chez 12 et 11 %. Les événements indésirables graves les plus fréquents étaient l’anémie, les infections du tractus urinaire, le sepsis, les complications de cicatrisation, les événements thromboemboliques veineux et les obstructions intestinales. La majorité des décès était due à des complications post-opératoires, devant la progression de la maladie.
Ce que les auteurs nord-américains qualifient de curage étendu serait plutôt chez nous un curage très extensif
Dr Cédric Lebâcle
Chirurgien urologue à l’hôpital Bicêtre (Paris) et Gustave-Roussy
En France, un référentiel différent
Pour le Dr Cédric Lebâcle, chirurgien urologue à l’hôpital Bicêtre et à Gustave-Roussy, ces résultats ne peuvent être transposés directement à la pratique française. « Dans cet essai, le nombre médian de ganglions retirés est de 24 dans le groupe standard et de 39 dans le groupe étendu ; or, en France, nous considérons qu’à partir de 20 ganglions, c’est déjà un curage étendu. Ce qu’ils qualifient donc de curage étendu serait plutôt chez nous un curage très extensif. Les chirurgiens de l’essai étant experts de la cystectomie, cela explique probablement la qualité de leur curage standard. »
En France, un curage ganglionnaire est réalisé pour tous les cancers localisés de la vessie infiltrant le muscle après éventuelle chimiothérapie néoadjuvante. « Lors d’une cystectomie, nous réalisons également un curage dit “étendu” et une ablation de la prostate chez les hommes, et de l’utérus et des ovaires chez les femmes », détaille le chirurgien. Ainsi, le curage étendu d’emblée est justifié par un principe de précaution, les voies de drainage lymphatique impliquées dans le cancer de la vessie pouvant atteindre des zones éloignées. Pour le Dr Lebâcle, « cette étude conforte la pratique française et montre, en tout cas, que le curage étendu est préférable à un curage extensif ».
(1) S. Lerner et al., N Engl J Med, 2024 ; 391:1206-1216
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?