Des chercheurs de l’Université de Rochester, dans l’État de New York aux États-Unis, viennent de mettre en évidence qu’une macromolécule d’acide hyaluronique de très haute masse moléculaire, qui joue un rôle important dans la protection contre le cancer des rats-taupes nus. Ils y voient une nouvelle piste pour la recherche sur le cancer humain. Leurs travaux sont publiés dans la revue « Nature ».
L’équipe américaine s’intéresse depuis quelques années au rat-taupe nu, Heterocephalus glaber, à cause de sa longévité et de son apparente résistance naturelle au cancer. Ce petit rongeur souterrain d’Afrique de l’Est est, en dépit de son nom, plus proche du cochon d’Inde et du porc-épic que du rat. Il a une durée de vie maximale d’environ 30 ans en captivité, à comparer à celle de 4 ans pour la souris dont le poids est équivalent. Et alors que la souris est particulièrement prédisposée aux cancers, on n’a jamais observé de tumeur chez le rat-taupe nu.
Inhibition de contact
En 2009, les chercheurs de Rochester avaient mis en évidence dans des cellules de fibroblastes du rat-taupe nu, l’existence de deux mécanismes indépendants d’inhibition de contact entre cellules. Un phénomène qui est important pour la résistance au cancer. Le premier dispositif, d’une très grande sensibilité, et jamais observé chez d’autres mammifères, se déclenche dès le contact initial entre les cellules. Il met en jeu l’activité concurrente des voies des suppresseurs de tumeurs p53 et pRb, par l’intermédiaire de l’action de l’inhibiteur p16 de la kinase cycline-dépendante Cdk. Le second mécanisme, qui intervient en cas de défaillance du premier dispositif, à la suite d’une mutation par exemple, est semblable à celui observé chez l’homme et la souris et est associé à la surrégulation de la protéine p27. Cependant, les signaux déclenchant le processus contrôlé par p16 n’étaient pas connus.
Depuis, les chercheurs se sont aperçus que les cultures de fibroblastes de rat-taupe nu étaient très visqueuses. Ils ont alors isolé de ces cultures de l’acide hyaluronique dont la très haute masse moléculaire(HMM-HA) est comprise entre 6 et 12 mégadalton (MDa), soit une valeur 5 fois plus élevée que celle de l’acide hyaluronique de l’homme ou de la souris. Ils ont aussi montré que, en comparaison avec les fibroblastes humains, les fibroblastes de la peau du rat-taupe nu surexpriment l’enzyme responsable de la production de HMM-HA, HAS2. Une analyse génétique leur a permis de constater que la protéine HAS2, très conservée chez les vertébrés, a, dans la région du site actif du rat-taupe nu, deux sérines à des emplacements où tous les autres mammifères, y compris le cobaye, ont deux arginines. L’activité de l’enzyme de dégradation de l’acide hyaluronique semble, par ailleurs, très diminuée chez le rat-taupe nu.
Modèle très prometteur
Les chercheurs attribuent donc l’accumulation de HMM-HA à une synthèse plus importante et une dégradation plus lente chez le petit rongeur. L’étude qui vient d’être publiée dans « Nature » montre que « HMM-HA s’attache au récepteur CD44 à la surface de la cellule et initie toute une chaîne d’événements, qui entraînent l’accumulation de p16 et l’inhibition de contact très rapide (observée en 2009) », indique au « Quotidien » Vera Gorbunova, une des principales investigatrices.
Comme la présence de HMM-HA a été mesurée, non seulement dans la peau mais aussi dans les tissus du cœur, des reins et du cerveau du rat-taupe nu, les chercheurs en déduisent que l’acide hyaluronique de très haute masse moléculaire joue un rôle clé dans la résistance au cancer de ce rongeur.
Cette découverte, souligne Vera Gorbunova, ouvre la voie à l’exploration de propriétés préventives ou thérapeutiques de l’acide hyaluronique ou des inhibiteurs de type p16 chez la souris et éventuellement chez l’homme.
D’autre part, comme un autre rongeur souterrain d’Afrique, le rat-taupe aveugle, du genre Spalax, plus proche de la souris et du rat, sécrète aussi de l’acide hyaluronique de très grande masse. Les chercheurs pensent que ce polysaccharide, en favorisant une plus grande flexibilité de la peau, permettrait aux animaux de mieux se faufiler dans les tunnels, ce qui refléterait une adaptation à la vie dans le sous-sol.
Plus généralement, conclut-elle, « l’étude de ces animaux est extrêmement prometteuse (...) Nous pouvons y découvrir des mécanismes impliqués non seulement dans la protection contre le cancer mais aussi contre le vieillissement ».
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