Dr Sophie Wylomanski (Hôpital Saint-Joseph, Paris)

« Dépistage du cancer du col de l’utérus : des améliorations encore possibles… »

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Publié le 18/11/2022
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La Haute Autorité de santé (HAS) a actualisé en 2019 ses recommandations sur le dépistage du cancer du col de l’utérus. Le test de détection du papillomavirus humain (HPV) est désormais réalisé chez les femmes de plus de 30 ans pour une meilleure efficacité. Mais au regard des objectifs à atteindre, des progrès sont encore réalisables…

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LE QUOTIDIEN : Quels sont les objectifs des dernières recommandations ?

Dr WYLOMANSKI : Pour les femmes âgées de 30 à 65 ans, la HAS recommande que le test HPV remplace l’examen cytologique en dépistage primaire du cancer du col de l’utérus. Le test HPV est moins spécifique mais beaucoup plus sensible que le frottis : on passe de 53 % de sensibilité à plus de 95 %. Cela permet, lorsqu’il est négatif, d’espacer la surveillance. Dans ce cas, un nouveau test de dépistage HPV est proposé cinq ans plus tard, au lieu comme avant de faire un frottis cervico-utérin tous les trois ans. De plus, le test HPV devait permettre d’optimiser le dépistage et de mieux sélectionner les patientes qui ont besoin d’un second examen par colposcopie. 

Peut-on faire un premier bilan ?

Ce changement de modalités est intervenu parallèlement à la généralisation du dépistage organisé (DO) du cancer du col de l’utérus, dont on espérait ainsi augmenter le taux de couverture. Pour être efficace, le DO devrait couvrir 80 % des femmes et nous en sommes loin. En 2016-2018, le taux de couverture était de 59,5 %. D’après les derniers chiffres de 2017-2019, il a baissé et s’établit à 58,2 %, sans doute à cause de l’épidémie de Covid-19. L’accès aux médecins a été plus compliqué.

Mais avec un test HPV plus sensible, on constate une nette augmentation du nombre de colposcopies (près de 30 %), et en conséquence un délai allongé pour accéder à cet examen, en fonction des territoires. Lorsque le test HPV est positif et le frottis cervico-utérin réflexe normal, un contrôle par un nouveau test HPV doit être réalisé un an plus tard, afin de trier les patientes nécessitant une colposcopie. Ainsi, certaines femmes, ayant toujours eu des frottis négatifs auparavant, se demandent ce qui se passe… Un test HPV positif est potentiellement anxiogène. On va suivre des femmes longtemps et la colposcopie peut rester normale. Une colposcopie annuelle peut ainsi être réalisée au sein d’une population de femmes, qui ont un HPV persistant. Dans les années à venir, un triage plus spécifique au sein de cette population à risque sera peut-être disponible. 

Quelles seraient les possibilités d’amélioration ?

Certains pays intègrent, dans leur algorithme de dépistage, le génotypage des HPV 16 ou 18, virus les plus à risque de lésions précancéreuses de haut grade. D’autres marqueurs déjà disponibles pourraient un jour être intégrés au dépistage : le double immunomarquage p16/Ki67, la recherche de surexpression des oncoprotéines E6 et E7, ou d’autres encore à l’étude comme la recherche de la méthylation de l’ADN des HPV…

Comment faire adhérer les femmes à ce nouveau dépistage ?

Il faut prendre le temps d’expliquer aux femmes que la sensibilité du test HPV est meilleure et qu’elles peuvent ainsi bénéficier d’une surveillance renforcée. C’est une chance. Il convient de leur faire comprendre que si le test est positif, cela signifie la présence de HPV, mais pas d’une lésion précancéreuse. Pour éviter les problèmes de couple, il faut préciser que le test HPV positif ne permet pas de dater l’infection qui peut être très ancienne…

Enfin, la valeur prédictive négative du test HPV est élevée et permet de rassurer plus efficacement les patientes. Si le test est négatif, le risque est quasi inexistant de développer une lésion précancéreuse dans les cinq années suivantes. Il est également important de profiter de ce dépistage pour parler de la vaccination anti-HPV chez les filles et les garçons, la couverture vaccinale étant encore trop faible. 

Qu’en est-il de l’autoprélèvement vaginal ?

En France, l’autoprélèvement vaginal est actuellement proposé dans le cadre d’études pilotes, en vue de pouvoir l’utiliser de façon plus large. Il faut encore définir le circuit à mettre en place pour qu’il soit efficace et fiable. Il pourrait être intéressant pour faciliter le dépistage de certaines femmes, qui ne se font jamais dépister. L’autoprélèvement est aussi à l’étude aux États-Unis, Canada, Danemark… Il est déjà utilisé comme alternative au prélèvement cervical, dans le cadre de programmes de DO du cancer du col dans plusieurs pays (Australie, Pays Bas…).

Christine Fallet

Source : Bilan Spécialiste