C'est un revirement important. La Haute Autorité de santé (HAS) ouvre la porte au dépistage du cancer du poumon. Dans un nouvel avis, elle encourage la mise en place d’expérimentations en vie réelle, et notamment d’un programme pilote de dépistage organisé du cancer du poumon, sous la responsabilité de l'Institut national du cancer (INCa). Ce programme visera à documenter les prérequis à la mise en place d’un programme national de dépistage organisé.
Cette nouvelle position tranche avec l'évaluation précédente de 2016. La Haute Autorité estimait alors que les conditions n'étaient « pas réunies » pour proposer un dépistage systématique aux fumeurs et anciens fumeurs.
Le débat est vif en France, où le cancer du poumon occasionne plus de 33 000 décès chaque année. À la suite des résultats positifs de l'étude américaine NLST et de son équivalente belgo-néerlandaise Nelson, plusieurs expérimentations locales ont été entreprises : en Corse par le Centre régional de coordination des dépistages des cancers, en Île-de-France par le centre hospitalier Saint-Joseph (étude Detector) et le centre hospitalier intercommunal de Créteil (étude Lumascan), et dans la Somme par le centre hospitalier d'Abbeville. La Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR), le Syndicat des médecins pneumologues et le Syndicat national des radiothérapeutes oncologues ont annoncé en novembre être en discussion avec des mutuelles pour lancer leur propre expérimentation.
Jusqu'à présent, la HAS s'appuyait sur une méta-analyse réalisée à sa demande, montrant que les études ne mettaient pas toutes en évidence une diminution significative de la mortalité par cancer du poumon à dix ans et aucune une diminution significative de la mortalité toutes causes. Dans un avis publié en mars 2021, l'Académie nationale de médecine avait jugé qu'il était encore prématuré de recommander l'utilisation du scanner thoracique faible dose dans le cadre d'un dépistage organisé du cancer du poumon. L'Académie s'était d'ailleurs fait critiquer par plusieurs radiologues dans nos colonnes à la suite de cette prise de position.
Scanner thoracique à faible dose
La HAS a révisé son avis de 2016 à la suite d'une nouvelle revue de la littérature. « Les auteurs ont rapporté que le dépistage du cancer broncho-pulmonaire par tomodensitométrie à faible dose chez les personnes ayant un risque augmenté de ce cancer réduit la mortalité spécifique de celui-ci, explique la HAS. Ainsi, avec la mise en place d’un dépistage systématique chez les populations fortement exposées au tabac, on pourrait observer une diminution significative de la mortalité spécifique de ce cancer, de l’ordre de 5 vies sauvées pour 1 000 personnes dépistées. » Aucun impact n’a toutefois pu être démontré sur la mortalité globale.
Cette diminution de la mortalité par cancer était liée à la détection de davantage de cancers avant l'arrivée au stade IV, dont la survie à 5 ans n’est que de 4 %. Entre 0,1 % à 1,5 % des personnes incluses dans les différents essais ont reçu un bilan diagnostique invasif en raison d’un résultat faux positif lors du dépistage, avec des taux faibles de complications mineures à graves (0,1 % à 1,3 %).
Des questions par dizaines
La HAS recommande de considérer un certain nombre de questions avant de lancer le programme pilote : population cible, quantification du tabagisme chez les fumeurs et les ex-fumeurs, voire les fumeurs passifs, articulation du dépistage et du sevrage tabagique, définition des nodules pulmonaires, etc.
Ensuite, le programme pilote devra répondre à plusieurs questions de santé publique : une prise en charge thérapeutique précoce et efficace permettra-t-elle d'améliorer la qualité de vie ? La charge financière de la maladie va-t-elle diminuer et quel rapport coût efficacité du dépistage ? Quel est le risque associé à la répétition des examens ? Sans oublier les aspects éthiques et sociétaux, liés aux disparités territoriales.
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