QU’EST-CE QUE l’épigénétique ? Les facteurs épigénétiques « commandent » l’activation ou la désactivation de gènes. C’est grâce à eux si, à partir d’un même capital génétique, les cellules acquièrent des spécificités et forment, par exemple, un neurone ou un globule blanc, comme le rappelle un communiqué du CNRS/Institut Curie. Et, dans la cancérogenèse, on sait que, à côté d’altérations génétiques, des modifications épigénétiques jouent un rôle : il peut s’agir de modifications chimiques sur l’ADN et les protéines qui lui sont associées, les histones, ou de perturbations de l’organisation de l’ADN au cœur de la cellule.
Cancer du sein
L’équipe de Geneviève Almouzni, directrice de recherche CNRS à l’Institut Curie, travaille sur la protéine Asf1. Celle-ci existe sous deux formes, Asf1a et Asf1b, qui jouent toutes les deux un rôle dans l’organisation de l’ADN. Contrairement à l’Asf1a, l’expression de l’Asf1b est directement dépendante de la prolifération des cellules, un processus hautement dérégulé dans les tumeurs. Les chercheurs ont donc étudié les niveaux d’expression d’Asf1b dans des tissus tumoraux prélevés chez 86 patientes atteintes de cancer du sein, il y a plus de dix ans, et pour lesquelles l’évolution tumorale est parfaitement connue (1). « Nous avons montré que plus les tumeurs présentent un fort taux d’expression de la protéine Asf1b, plus elles sont agressives et plus le risque d’apparition de métastases est grand », explique Armelle Corpet, première signataire de l’étude. « D’ailleurs, cette protéine est fortement exprimée dans les cancers du sein de type Basal-like, un sous-groupe de cancers très agressifs. » Cette protéine Asf1b apparaît donc comme un marqueur pronostique du risque évolutif dans les cancers du sein et probablement dans d’autres types de cancers.
Cancer de la vessie
L’équipe de François Radvanyi, directeur de recherche CNRS à l’Institut Curie, étudie les mécanismes épigénétiques dérégulés dans les cancers de la vessie. « Jusqu’à très récemment, on pensait que les perturbations épigénétiques ne pouvaient affecter que des régions ponctuelles du génome, voire un seul gène », explique le chercheur. Les découvertes les plus récentes de cette équipe ont été réalisées en collaboration avec l’hôpital Henri-Mondor, l’hôpital Foch et l’université d’York en Angleterre ; elles montrent que, dans des cellules tumorales, plusieurs gènes voisins, voire toute une région d’un chromosome, peuvent être perturbés par une altération épigénétique.
Sur une série de 57 tumeurs de la vessie, l’équipe de François Radvanyi a pu identifier 7 régions où l’expression des gènes est anormalement éteinte par un mécanisme épigénétique (2). Lorsque ces 7 régions sont éteintes simultanément, les tumeurs se caractérisent par un pouvoir agressif et invasif nettement plus élevé que les autres. « Ces tumeurs possèdent d’ailleurs très rarement une mutation de l’oncogène FGRF-3 connue pour être en général une signature de bon pronostic des tumeurs de la vessie », ajoute le chercheur.
L’inactivation simultanée de 7 régions identifiées forme donc une empreinte épigénétique propre aux tumeurs agressives de la vessie.
L’avenir
On assiste donc à l’émergence de biomarqueurs épigénétiques pouvant prédire l’évolution des tumeurs. « Les facteurs épigénétiques ouvrent de nouvelles perspectives en cancérologie : à l’avenir, ils aideront les cliniciens dans la prise en charge quotidienne des patients, soit en apportant des informations sur l’évolution des tumeurs, soit en servant de cibles thérapeutiques », indique le communiqué.
(1) A. Corpet et coll. , EMBO J, 2 février 2011;30:480-93.
(2) C. Vallot et coll. JNCI, 5 janvier 2011;103(1):47-60.
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