Chez les patients séropositifs pour le VIH

Dix fois plus de cancers liés aux infections

Publié le 26/10/2015
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : PHANIE

« On savait que l’infection VIH était associée à des cancers liés aux infections, explique le Dr Catherine de Martel, du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et premier auteur d’une étude publiée dans AIDS. On était loin de penser que ce serait dans de telles proportions ». Selon l’étude, en 2008 aux États-Unis, la part des cancers liés aux infections représentait 40 % de tous les cancers chez les patients infectés par le VIH, avec 2 500 cas sur 6 200 au total. Cette fraction attribuable représente 10 fois plus que dans la population générale (4 %).

« Cette proportion est plus élevée que dans la population générale de n’importe quel pays du monde, y compris en Afrique sub-saharienne, où 33 % des cancers sont attribuables à l’infection, souligne le Dr Martyn Plummer, l’auteur senior. (...) Il y a clairement un problème grandissant chez les sujets positifs au VIH ». Le CIRC avait publié à ce sujet en 2012 une étude sur les cancers liés aux infections dans le « Lancet Oncology ».

Alcool et tabac

Les sujets séropositifs sont davantage prédisposés à développer des cancers d’origine infectieuse, d’une part parce qu’il y a une co-infection par des agents oncogéniques transmis par les mêmes voies sexuelles ou injectables (virus papilloma et hépatite C) et d’autre part parce que l’immunodépression liée au VIH favorise le développement de néoplasies. Des cofacteurs non infectieux tels que la consommation d’alcool et de tabac jouent également un rôle. Si les antirétroviraux ont réduit le risque de cancers, l’allongement de l’espérance de vie donne aussi plus de temps aux cancers de se développer.

Chez les sujets séropositifs, les principaux cancers liés aux infections sont le sarcome de Kaposi, lié au virus HHV8, le lymphome lié à l’Epstein-Barr virus (EBV) et le cancer anal lié au papilloma virus (HPV). « Ce qui est très curieux, c’est que même à l’ère des antirétroviraux, le sarcome de Kaposi représente près d’un tiers des cancers liés aux infections en proportion, relève le Dr de Martel. Or, en valeur absolue et relative, ce sont les populations les plus jeunes les plus touchées par ce cancer et le lymphome lié à EBV. Ce phénomène peut s’expliquer de deux façons, les sujets jeunes ne sont pas au courant de leur séropositivité et leur immunodépression est plus marquée et ils n’ont pas accès aux soins ». Près de 14 % des patients infectés par le VIH ignoreraient leur séropositivité aux États-Unis, ce qui atteindrait près de 51 % parmi les 14-21 ans. Chez les femmes séropositives, le virus HPV est responsable de la moitié des cancers attribuables aux infections.

Vaccination

Pour le Dr de Martel, ces résultats doivent être portés à la connaissance des médecins et des patients. « Même si la situation n’est pas complètement transposable en France, les cancers liés aux infections deviennent une maladie importante, y compris chez ceux traités », insiste-t-elle. La vaccination dans l’enfance et l’adolescence contre l’hépatite B et l’HPV devrait permettre de diminuer l’incidence de certains cancers. « La surveillance et la détection des lésions précancéreuses sont le deuxième levier d’action, poursuit-elle. Il s’agit des frottis cervico-vaginaux, comme dans la population générale, mais aussi des lésions anales chez les hommes, même s’il n’existe pas encore de recommandations. » La précocité du diagnostic et de la mise en route du traitement antirétroviral reste les mesures essentielles pour limiter ce risque de cancers.

AIDS, publié le 23 octobre 2015
Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9444