C’est l’équipe de la Pr Laurence Zitvogel (U1015, Gustave Roussy) qui a été pionnière dans ce domaine notamment en démontrant que le cyclophosphamide (CTX) fonctionnait uniquement chez les souris qui avaient un microbiote intact (1). Une bactérie a été identifiée, Enterococcus hirae, qui après translocation post CTX joue un rôle important en améliorant la réponse immune antitumorale grâce à une augmentation des lymphocytes pTh17. Suite à ces travaux novateurs, j'ai décidé de faire ma thèse avec l’équipe de la Pr Zitvogel après avoir terminé ma spécialité en hématologie au Princess Margaret Hospital, (université de Toronto, Canada) en 2014. Le but de cette thèse est de démontrer que le microbiote intestinal influence non seulement la réponse à la chimiothérapie mais aussi aux Immune Checkpoint Inhibitors (ICB).
Le microbiote : un facteur prédictif
Nous avons tout d’abord montré que dans les modèles murins l’anticorps anti-CTLA4 modifie la géolocalisation de certaines bactéries dont les Bacteroides spp qui s’accumulent dans les cryptes. En contact avec les cellules dendritiques le Bacteroides fragilis entraîne une production d’IL12 activant les lymphocytes Th1 et augmentant l’efficacité antitumorale de l’anti-CTLA4 (2). Nous avons aussi démontré que chez les souris axéniques où l'anti-CTLA4 ne fonctionne pas, le transplant fécal des selles de patients avec un mélanome métastatique et traités avec l’anti-CTLA4, exclusivement les selles contenant une quantité importante de Bacteroides fragilis étaient capable de restaurer l’activité de l’anti-CTLA4 dans notre modèle murin. En parallèle, l’équipe du Dr Thomas Gajewski (université de Chicago) a démontré que le Bifidobacterium longum et B. brevet stimulaient la maturation des cellules dendritiques intratumorales et amélioraient la réponse à l’anticorps anti-PDL1 chez la souris (3). Suite à ces résultats, nous avons fait une étude prospective dans le cancer du poumon et du rein traités en deuxième ligne par l’anticorps anti-PD1. En collaboration avec l’Institut national recherche agroalimentaire (INRA), nous avons déterminé une signature bactérienne par métagénomique qui prédit la réponse/résistance au traitement. De plus, nous modifions le microbiote humanisé des souris avec certaines bactéries immunogènes afin d’augmenter la réponse antitumorale de l’anti-PD1. Chez les patients avec un mélanome métastatique traité par l’anti-PD1, un groupe du MD Anderson vient aussi de démontrer que le microbiote est un facteur prédictif à la réponse/résistance.
Mettre au point des tests diagnostiques
Notre objectif est de développer des tests diagnostiques en utilisant le microbiote intestinal des patients avant qu’ils ne débutent la thérapie afin de prédire leur réponse clinique de l’anti-PD1. Pour confirmer notre signature bactérienne, nous continuons à inclure dans toute la France des patients atteints de cancer du poumon qui vont débuter un traitement avec l’anti-PD1. Notre but est de modifier le microbiote des patients en associant des OncoBax (bactéries atténuées ou dérivé bactérien) à des ICB afin d’augmenter leur efficacité clinique grâce à une modification du microbiote. Des études similaires sont déjà en cours dans l’obésité et dans le syndrome de l’intestin irritable et nous espérons faire la même chose dans le cancer très prochainement.
(1) Viaud S, Saccheri F, Mignot G, et al. The intestinal microbiota modulates the anticancer immune effects of cyclophosphamide. Science. 2013 Nov 22;342(6161):971–6
(2) Vétizou M, Pitt JM, Daillère R, et al. Anticancer immunotherapy by CTLA-4 blockade relies on the gut microbiota. Science. 2015 Nov 27;350(6264):1079–84
(3) Sivan A, Corrales L, Hubert N, et al. Commensal Bifidobacterium promotes antitumor immunity and facilitates anti-PD-L1 efficacy. Science. 2015 Nov 27;350(6264):1084–9
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