La très grande majorité (90 %) des objectifs fixés par le troisième Plan cancer 2014-2019 s'est concrétisée, affirmait l'Institut national du cancer (INCa) dans son dernier rapport publié l'été dernier. C'est un constat plus mitigé que livrent l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), dans un rapport de près de 400 pages, publié ce 12 octobre.
Sans nier les « avancées majeures dans un grand nombre de domaines » qu'a permis ce plan, les inspections pointent des régressions à endiguer en urgence. C'est notamment le cas de la politique de lutte contre l'alcool, responsable de 8 % des cancers (notamment du sein, 3 localisations de cancer sur 10 liés à l'alcool) et de 16 000 décès par an. « Outre le fait que le plan manquait singulièrement d’ambition dans la lutte contre l’alcool, la période est marquée par plusieurs régressions dans cette lutte », dénoncent les Inspections regrettant que « la consommation d’alcool ne baisse quasiment plus ». Elles appellent donc à une politique de prévention ambitieuse et invitent la communauté du cancer à jour un rôle de déclencheur.
Accès à l'IRM et aux thérapies innovantes en régression
Le rapport pointe des « régressions » dans les délais d'accès à l'IRM, alors que l'objectif du 3e plan était de les réduire, ainsi que dans l'accessibilité aux médicaments innovants, source de « fortes inégalités sur le territoire, à tel point que les présidents de l'INCa et de la Haute Autorité de santé (HAS) ont alerté les pouvoirs publics », poursuivent les auteurs. L'accès aux soins de support est lui, « globalement peu assuré ». Plus largement, la réduction des inégalités sociales de santé, brandie en étendard par François Hollande lors du lancement du 3e Plan cancer, « progresse de façon dispersée et insuffisamment structurée : il n’est souvent pas possible d’apprécier l’efficacité de ce qui a été fait ou, pire, il y a des raisons de penser que les inégalités se sont aggravées », cingle la mission.
Elle parle d'« échec » quant à la mise en place du dépistage organisé du cancer colorectal, tandis que les résultats des dépistages des cancers du sein et du col de l'utérus sont « très loin des objectifs », même si des améliorations sont attendues.
Les Inspections appellent ensuite à creuser la connaissance des liens entre cancer et environnement (notamment chez les enfants, chez qui les causes génétiques ne jouent que dans 5 % des cas) et plaident pour une meilleure traçabilité des expositions professionnelles, qualifiant de dommageable le retrait en 2017 des risques chimiques des critères de pénibilité du compte professionnel de prévention.
Du mieux dans la recherche et la pédiatrie
Parmi les points positifs, le rapport salue l'élargissement du droit à l'oubli, voté en 2016, permettant par exemple de ne pas déclarer certains cancers pour une demande de prêt bancaire et la progression de la préservation de la fertilité, notamment au niveau du dispositif d'annonce, « même si c'est de façon encore hétérogène sur le territoire ».
La cancéropédiatrie, qui a représenté 12 % des crédits de l'INCa sur 2014-2018, tandis que 5 millions d'euros ont été débloqués pour la recherche en 2019, a connu des « avancées majeures », lit-on, même si là encore, des hétérogénéités persistent. « La prise en charge des adolescents et des jeunes adultes est une réussite de ce plan, de même que les efforts réalisés pour permettre les doubles lectures et surtout l’accès à une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) pédiatrique, y compris spécialisée pour des enfants présentant des tumeurs rares », détaille le rapport.
Enfin, la mission salue des « progrès notables » de la France entre 2003 et 2015 en cancérologie, à l'échelle internationale. Le 3e plan a notamment accentué l'implication des sciences humaines, mobilisé sur les enjeux de la science ouverte (partage des protocoles et des résultats), développé des stratégies thérapeutiques innovantes et la médecine de précision, tout en tirant profit de nouvelles techniques de modélisation et du recours à l'intelligence artificielle dans la production et interprétation des données de santé.
En conclusion, les inspections générales suggèrent de créer un comité d'orientation stratégique auprès du comité de pilotage interministériel pour dynamiser la gouvernance de la future stratégie décennale de lutte contre le cancer et d'impliquer davantage les structures régionales pour réduire les inégalités. « La stratégie décennale doit prendre en compte ces préconisations, quitte à prévoir moins de priorités, mais des priorités plus affirmées », insistent-elles.
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