UN DOGME vient de tomber en médecine, pour le meilleur. Le précepte universel « Une cirrhose constituée ne peut pas s’améliorer » vient d’être contredit par une étude internationale chez près de 500 sujets ayant une hépatite B chronique après un traitement par ténofovir au long cours. « C’est une très bonne surprise, se réjouit le Pr Patrick Marcellin, de l’hôpital Beaujon et coordonnateur principal de l’étude. Non seulement l’inflammation est contrôlée en bloquant le virus, mais la fibrose aussi. Dans 96 % des cas, ce processus délétère est soit stabilisé soit en régression. Et "cerise sur le gâteau", la cirrhose peut être réversible. Dans trois quarts des cas, la cirrhose a disparu à 5 ans. La preuve directe est faite par l’histologie ». Les résultats sont remarquables au point que les scientifiques ont pu convaincre les partenaires financiers de prolonger le suivi à 10 ans.
Un atout : l’absence de résistance.
Le ténofovir, cet inhibiteur nucléotidique utilisé également dans l’infection VIH, a remplacé son prédécesseur l’adénofovir. « L’objectif du traitement est bien de bloquer la réplication virale, insiste l’hépatologue. C’est en contrôlant le virus que l’inflammation est enrayée. La fibrolyse prend alors le pas sur la fibrogenèse ». Le ténofovir présente l’énorme avantage de générer peu de résistance. « Ce qui n’est pas le cas pour les autres antiviraux, avec lesquels les résistances augmentent d’année en année. Seule l’activité de l’entécavir est comparable à celle du ténofovir, les deux étant les médicaments phares de l’hépatite B ».
Une question cruciale reste posée : quelle durée de traitement ? Car le risque de voir l’infection reprendre à l’arrêt du traitement existe bel et bien. « L’infection ne disparaît jamais totalement, explique le Pr Marcellin. Même si la charge virale est négativée, il reste un petit peu de virus dans le foie. On parle "d’infection latente". En arrêtant le traitement, on lâche le frein et on prend le risque de rechutes, parfois sévères. Il existe bien un cas où le traitement peut être arrêté sans aucun risque : en cas de la négativation de l’AgHbS. Le virus est tellement bas qu’il n’y a pas de rechute à craindre. Mais cela ne concerne qu’une petite minorité des patients ».
En bithérapie avec l’IFN pégylé.
L’objectif final doit pourtant rester ambitieux. « On ne peut plus se satisfaire de la rémission. La seule négativation de la charge virale ne suffit pas : il faut viser la guérison ». Alors comment dépasser cette problématique ? « Deux pistes sont en cours d’exploration, expose-t-il. La première consiste à se servir de la quantification de l’AgHbS comme outil prédictif pour repérer les patients candidats à l’arrêt de traitement. La seconde piste consiste à associer le ténofovir à de l’interféron pégylé (IFN peg). Une étude pilote chez 50 patients à Beaujon montre que cette bithérapie permet d’accélérer la cinétique de décroissance de l’AgHbS et d’augmenter le taux de négativation de l’AgHbS ». Une étude mondiale chez 1 000 patients est lancée depuis 1 an afin de comparer l’efficacité des 3 bras, bithérapie ténofovir-IFN pégylé, ténofovir seul et IFN peg seul.
Pour traiter, d’abord dépister.
Sur quels critères traiter les patients porteurs chroniques du VHB à AgHbS positif, quand parmi eux, la moitié sont inactifs ? « Des recommandations européennes existent à ce sujet, détaille-t-il. Si les transaminases sont normales et la charge virale ‹20 000 UI de façon stable sur 1 an, on considère le portage comme inactif. Dans ce cas, il n’y a pas besoin d’avis spécialisé ni de traitement. Dans les autres cas, si les transaminases ne sont pas toujours normales ou si la charge virale pas toujours ‹20 000 UI, l’hépatite chronique B est active. Un avis spécialisé s’impose ». Une rémission voire une guérison est possible, d’où l’importance du dépistage. « L’hépatite B, ce n’est pas la maladie des groupes à risque, personne n’est à l’abri ».
The Lancet, volume 381, 468-475, 9 février 2013.
Site association www.aphc.info
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024