Prise en charge du mélanome

La nouvelle donne thérapeutique

Publié le 15/03/2012
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LE MÉLANOME est le cancer dont le taux d’incidence a le plus augmenté au cours des vingt dernières années. Son incidence en France est actuellement estimée à 9 cas pour 100 000 habitants. En 2011, 9 800 nouveaux cas ont été déclarés. Le mélanome est responsable de plus de 1 600 décès par an. Son traitement reste avant tout chirurgical. Plus de 90 % des mélanomes sont diagnostiqués au stade de tumeurs primitives, traitées par exérèse chirurgicale, avec une survie à 10 ans de l’ensemble de ces tumeurs estimée entre 75 et 85 %. Au stade métastatique viscéral, il n’existait jusqu’alors aucun traitement modifiant la survie globale avec une médiane de survie de 6 à 9 mois. Les chimiothérapies de référence (dacarbazine, fotémustine) et les immunothérapies ont des taux de réponse de l’ordre de 15 % et ne modifient pas la survie. Il est donc urgent de trouver de nouveaux traitements pour les patients, souvent jeunes, atteints de mélanomes métastatiques.

Au cours de l’année 2011, le paysage thérapeutique s’est cependant considérablement modifié avec l’arrivée de nouvelles molécules d’immunothérapie et de thérapies ciblées. Le mélanome est une tumeur hautement immunogène et depuis plusieurs années différentes approches d’immunomodulation ont été tentées. L’ipilimumab est une immunoglobuline humaine IgG1 anti-CTLA4 qui a démontré, pour la première fois, dans des études de phase III, une amélioration de la survie globale chez les patients atteints de mélanome métastatique. L’augmentation de la survie globale à 24 mois pour la dose de 3 mg/kg en deuxième ligne de traitement (correspondant à l’autorisation de mise sur le marché) est estimée à 3,7 mois. Les durées de réponse dans l’étude comparant l’ipilimumab (dose de 10 mg/kg) + dacarbazine versus dacarbazine seule sont respectivement de 19,3 mois et 8,1 mois. Cependant, moins de 20 % des patients sont répondeurs à cette molécule et la recherche de biomarqueurs prédictifs de réponse est aujourd’hui une priorité du fait notamment de la fréquence et de la sévérité des effets secondaires immunologiques nécessitant l’utilisation attentive d’algorithmes de prise en charge.

La commission d’AMM a émis un avis favorable à la mise à disposition précoce d’ipilimumab (Yervoy) dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) de cohorte, sur la base des résultats d’études de phases II et III. Dans le cadre de cette ATU de cohorte, l’ipilimumab est indiqué pour le traitement des patients atteints de mélanome avancé (non résécable ou métastatique), après échec d’au moins une ligne de traitement. Un nouvel essai international comparant les doses de 3 et 10 mg/kg doit par ailleurs débuter prochainement.

La majorité des mélanomes présentent une activation anormale de la voie des MAPK (Mitogen-activated protein kinases) qui constituent aujourd’hui de nouvelles cibles thérapeutiques. La mutation BRAF V600E est la mutation la plus fréquente (environ un patient sur deux). Un essai clinique de phase III a montré une amélioration significative de la survie globale des patients atteints de mélanome métastatique traités pas vémurafenib (PLX4092), inhibiteur sélectif de BRAF V600E, comparativement aux patients traités par dacarbazine, chimiothérapie de référence. Plus de 50 % des patients présentent une réponse rapide et spectaculaire, mais la majorité rechute après 6 à 8 mois de traitement en moyenne, ce qui suggère l’émergence de mécanismes de résistance. Les effets secondaires principaux sont représentés par une photosensibilité chez la moitié des patients et l’apparition de carcinomes épidermoïdes chez environ un quart des patients. Le vémurafenib ne peut par ailleurs être donné qu’aux patients porteurs de la mutation car il est inefficace, voire délétère, chez les patients dont le mélanome n’est pas muté sur BRAF.

Certains des mécanismes de résistance ont été identifiés et des essais cliniques en cours prometteurs combinent inhibiteurs de BRAF et inhibiteurs d’AKT ou de MEK afin de limiter l’émergence des résistances. Le vémurafenib (Zelboraf, laboratoires Roche) est à ce jour délivré dans le cadre d’une ATU en première ligne ou plus de traitement des mélanomes métastatiques présentant la mutation BRAF V600E (1). Moins fréquemment certains mélanomes présentent des mutations de c-KIT ou de NRAS qui font l’objet de traitements par des inhibiteurs spécifiques actuellement en cours d’évaluation. De nouvelles immunothérapies agissant sur PD1 ou son ligand sont également en cours d’étude.

Le traitement personnalisé des patients atteints de mélanome est devenu une réalité. Les approches thérapeutiques nouvelles se développent et devront combattre les résistances développées par ce cancer complexe. Il est important de poursuivre activement les recherches pour identifier et sélectionner les patients potentiellement répondeurs à une immunothérapie et/ou une thérapie ciblée. La mise en place des plateformes de génétique moléculaire avec le soutien de l’Institut national du cancer (INCa) et de cohortes clinico-biologiques nationales aideront à définir précisément le profil des patients et à évaluer la place, l’efficacité et la tolérance des nouveaux traitements.

* Clinique de dermatologie et photobiologie, CHU de Grenoble, présidente du Groupe de cancérologie cutanée de la Société française de dermatologie.

Aucun lien d’intérêt dans le domaine de la cancérologie cutanée.

PAR LE Pr MARIE-THÉRÈSE LECCIA*

Source : Bilan spécialistes