Le 15 janvier, un premier patient a reçu à Toulouse un vaccin individualisé appelé TG4050 dans le cadre du traitement de son cancer ORL. Évaluée dans un essai de phase 1, cette approche thérapeutique innovante, mise au point grâce au séquençage génétique et à l’intelligence artificielle (IA), vise à renforcer la réponse immunitaire en vue de prévenir la récidive après chirurgie. Cette immunothérapie cible les néoantigènes de la tumeur.
« Les néoantigènes sont la résultante de l’histoire naturelle d’un certain nombre de cancers, dans lesquels s’installe une instabilité génétique à l’origine de mutations, explique le Pr Jean-Pierre Delord, directeur général de l’institut Claudius Regaud au sein de Toulouse-Oncopole et co-investigateur de l’essai de phase 1. Ces mutations peuvent entraîner la production de protéines anormales, dont des fragments se retrouvent à la surface des cellules tumorales. Ce sont les néoantigènes de la tumeur, capables d’être reconnus par les défenses immunitaires ». Dans les cancers, le mécanisme immunitaire est essentiellement basé sur les lymphocytes T cytotoxiques (LTc).
Des supercalculateurs
En pratique, le séquençage complet de l’ADN tumoral du patient est réalisé à partir d’un prélèvement peropératoire. « Cela représente une information génétique de l’ordre de trois milliards de paires de bases », précise le cancérologue. Le séquençage de l’ADN tumoral est ensuite comparé à celui de l’ADN non malade du patient (en général à partir des globules blancs) à l’aide de l’IA.
« Nous nous servons de supercalculateurs qui vont traiter en un temps très court ces informations volumineuses, détaille le Pr Delord. À l’aide d’un algorithme, une liste prioritaire des mutations ayant pu donner des néoantigènes est établie ». Le but est de sélectionner des néoantigènes qu’il serait pertinent de cibler pour renforcer la réponse immunitaire contre le cancer.
Cette approche permet, en l’espace de trois mois, de développer un vaccin personnalisé pour chaque patient. « Une prouesse technologique et applicative », pour le Pr Delord. Développé par la société de biotechnologie Transgene spécialisée dans les immunothérapies innovantes, ce vaccin utilise un vecteur viral, dans lequel sont insérés dix à vingt motifs peptidiques pouvant entraîner une réponse immunitaire et induire ainsi la production de LTc spécifiques des néoantigènes.
Jusqu’à 20 patients devraient être inclus cette année dans l’essai de phase 1, mené à Toulouse et à l’Institut Curie (Paris). Il s’agit de patients dont la tumeur présente une instabilité génétique, et qui, pour la plupart, vont être traités par chirurgie et radiothérapie. « Nous considérons que le vaccin a plus de chance d’avoir un intérêt chez des patients qui ont peu de cellules cancéreuses », explique le Pr Delord. Les patients HPV+ ont été exclus, « car ce sont des profils qui habituellement ne présentent pas d’instabilité génétique », précise-t-il.
Un protocole sur un trimestre
Au cours des trois mois nécessaires pour développer le vaccin, les patients seront traités comme habituellement. « Après l’intervention chirurgicale, la plupart vont recevoir de la radiothérapie pendant un mois et demi. Puis nous vérifions qu’ils sont en rémission complète avant de les vacciner », spécifie le Pr Delord. Les patients recevront une injection par semaine pendant plus d’un mois, puis une injection par mois, pour une durée de traitement d’environ trois mois au total.
L’objectif de cet essai de phase 1 est triple. Il s’agit à la fois de « confirmer la faisabilité technologique et logistique de notre approche, de s’assurer de la sécurité liée à la vaccination et de vérifier, pour chaque patient, si le vaccin est parvenu à éduquer le système immunitaire de façon à ce qu’il produise des LTc spécifiques des néoantigènes tumoraux », liste le Pr Delord. Pour ce dernier point, des prélèvements de globules blancs par cytaphérèse seront réalisés dans les semaines qui suivent la vaccination, en collaboration avec l’Établissement français du sang (EFS).
Instabilité génétique
Le cancérologue espère avoir des premiers résultats dans l’année, même s’il « nous faudra plusieurs années pour évaluer l’intérêt de ce traitement dans la rechute des cancers », nuance-t-il. En parallèle de cet essai mené dans le cancer ORL, une autre phase 1 a été lancée chez des patientes ayant un cancer de l’ovaire traité par chirurgie et une première ligne de chimiothérapie. « Tous les cancers susceptibles d’avoir comme origine des mutations et une instabilité génétique seraient potentiellement des candidats pour ce type de vaccin », avance le cancérologue.
Pour lui, ce qui fait le caractère exceptionnel de cette approche, « c’est d’arriver en un temps très court à mettre en place une chaîne de collaboration internationale, avec des expertises pointues, pour parvenir à un traitement personnalisé en trois mois ».
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