SELON L’ARRÊTÉ du 3 août 2010, « toute personne devant subir un traitement présentant un risque d’altération de sa fertilité a accès aux informations concernant les possibilités de conservation de gamètes ou de tissu germinal. Lorsque la conservation est réalisée dans le contexte d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital, le patient reçoit une information spécifique et ciblée ». De plus, le plan Cancer 2009-2013 prévoit, entre autres actions, de « faciliter l’accès aux techniques chirurgicales et instrumentales, complexes et innovantes en particulier, de reconnaître des plates-formes régionales de cryobiologie, associées aux CECOS (centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme) et/ou aux CPDPN (centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal) pour améliorer l’accès à la préservation de la fertilité des personnes atteintes de cancer ».
« Ainsi, la mise en place d’une “plate-forme oncofertilité’’ au sein du réseau régional de cancérologie OncoPACA-Corse s’inscrit parfaitement dans cette logique, en permettant d’offrir aux patients atteints de cancer les mêmes possibilités d’accès à la préservation de la fertilité avant traitement oncologique potentiellement stérilisant, quel que soit leur lieu de prise en charge en PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur) et en Corse, par une équipe pluridisciplinaire dédiée », précise le Dr Blandine Courbière. Cette action est inscrite dans le projet régional de santé 2012-2016 de l’ARS PACA.
Une expérimentation d’un an.
Le Dr Jacqueline Saias-Magnan, médecin biologiste de la reproduction au CECOS de Marseille (hôpital de la Conception) explique qu’« un financement de l’ARS (agence régionale de santé) a été obtenu pour mettre en place cette plate-forme, qui est la première en France. Il s’agit de mettre à disposition un centre d’appel régional orientant vers une prise en charge spécialisée en oncofertilité dans des délais compatibles avec la prise en charge oncologique du patient, en y associant le volet essentiel de l’information des professionnels sur les possibilités offertes actuellement en préservation de la fertilité ».
La première phase de ce projet consiste en une expérimentation d’un an, en lien avec les deux centres hospitaliers universitaires de la région PACA (Marseille et Nice), chez les patients adultes et enfants-adolescents des deux sexes. « L’objectif est de travailler en réseau avec les cancérologues (oncologues médicaux et radiothérapeutes, chirurgiens, spécialistes d’organes) qui ont un devoir d’information sur la gonadotoxicité des traitements employés. Les patients concernés peuvent ainsi rencontrer en consultation multidisciplinaire, un biologiste de la reproduction, un gynécologue spécialisé en oncofertilité pour les femmes, ainsi qu’un psychologue. Chez les femmes, la situation est discutée au cas par cas pour savoir s’il est préférable de prélever du tissu ovarien ou d’obtenir des ovocytes matures après stimulation des ovaires (ce qui n’est pas compatible avec les cancers hormonodépendants et lorsque la chimiothérapie doit être commencée en urgence) ou, encore, opter pour la congélation d’embryons pour les patientes en couple ou, enfin, lorsque c’est possible, pour plusieurs de ces techniques à la fois », explique le Dr Courbière.
Une fois congelés, gamètes ou embryons peuvent être conservés aussi longtemps que nécessaire en vue d’une utilisation après rémission, car la durée de conservation n’altère pas le pouvoir fécondant. « Concernant les utilisations ultérieures, précise le Dr Saias-Magnan, la loi de bioéthique est très stricte, précisant que l’insémination postmortem est interdite et que, en cas de séparation d’un couple ou de veuvage, les embryons congelés ne peuvent pas être transférés. Les patients reçoivent d’ailleurs une information très complète à ce sujet lors des consultations préalables qui permettent aux patients, perturbés par l’annonce du cancer, de se projeter vers l’avenir avec la lueur d’espoir de la préservation de leur fertilité ultérieure. »
La mise en place d’un tel réseau répond à un réel besoin, d’autant que la question de la fertilité tient une place prépondérante chez beaucoup de femmes. « Certaines patientes qui n’ont pas encore eu d’enfants nous disent que plus que l’annonce du cancer, c’était l’annonce de la stérilité après cancer qui a été la plus terrible. C’est aussi la raison pour laquelle on propose à nos patientes de les revoir, quand elles sont en rémission, à la fois pour faire le point sur ce qu’il est alors possible de leur proposer, et aussi pour évaluer leur qualité de vie, et en particulier l’aspect sexuel, pour celles qui souffrent d’une carence estrogénique par insuffisance ovarienne prématurée », souligne le Dr Courbière.
Chez l’homme, il est essentiel de programmer des spermogrammes de contrôle à distance des traitements pour évaluer une éventuelle reprise de la spermatogenèse, toujours possible. Des consultations dédiées permettent ainsi de répondre aux éventuelles demandes parentales qui suivent fréquemment les traitements.
En pratique, un numéro d’appel unique (0811 711 112) a été créé pour que les appels des oncologues ou des patients adressés par leur médecin soient dirigés directement soit vers le centre de Marseille, soit vers celui de Nice. Le cancérologue remplit une fiche de renseignements, indispensable pour la consultation d’oncofertilité (notamment pour connaître les traitements déjà reçus ou ceux à venir, déterminer le degré d’urgence…) et remet une plaquette d’information au patient. Le Dr Saias-Magnan explique que « la pratique de l’autoconservation de sperme a progressé du fait de l’amélioration de la survie après cancer, mais aussi grâce à une meilleure information des oncologues qui adressent plus volontiers les patients au CECOS avant le démarrage d’un traitement potentiellement stérilisant. La préservation de la fertilité féminine est quant à elle plus récente et moins répandue. De ce fait, il y a une vraie nécessité d’information qui est maintenant offerte par le Réseau régional de cancérologie OncoPACA-Corse coordonné par le Dr Michèle Pibarot (www.oncopaca.org/fr/oncofertilite). Quand la réserve ovarienne ne permet plus de faire une autoconservation de gamètes, ce qui est le cas chez certaines patientes ayant déjà reçu des traitements gonadotoxiques, l’information porte sur les autres options comme l’accès au don d’ovocytes ».
D’après un entretien avec le Dr Blandine Courbière, gynécologue-obstétricienne et médecin de la reproduction à l’hôpital de la Conception à Marseille, centre d’assistance médicale à la procréation, et le Dr Jacqueline Saias-Magnan, CECOS, Marseille.
Liens d’intérêts : aucun.
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