DEPUIS LE dernier rapport sur la chirurgie des surrénales édité en 1994 à l’occasion du 96e Congrès de chirurgie, de nombreux éléments ont modifié la donne, comme l’explique le Pr Jean-Louis Peix, co-auteur du nouveau rapport sur le sujet avec le Pr Muriel Mathonnet (Limoges) et le Dr Frédéric Sebag (Marseille). D’une part, la multiplication des examens d’imagerie et notamment des scanners a entraîné la mise en évidence de plus en plus fréquente d’incidentalomes surrénaliens, ce qui nécessite de préciser les stratégies à adopter devant la découverte fortuite de ces tumeurs. D’autre part, alors que, au début des années quatre-vingt-dix, la cœlioscopie était considérée comme une technique « en devenir », son développement ultérieur en a fait maintenant le « gold standard » de la chirurgie surrénalienne hormis certains cas particuliers.
En exergue, il est utile de rappeler que les tumeurs surrénaliennes se révèlent selon trois modes différents. Il peut s’agir d’une découverte par hasard, à l’occasion d’un examen radiographique, ou bien une sécrétion hormonale par la tumeur est à l’origine de symptômes révélateurs (sécrétion d’hormones corticosurrénaliennes ou de catécholamines). Beaucoup plus rarement, de volumineuses tumeurs, en règle générale maligne, entraînent des douleurs ou des symptômes locaux pouvant faire évoquer le diagnostic.
Plus de 1 500 interventions analysées.
Pour avoir une idée de l’épidémiologie de ces tumeurs ainsi que des prises en charges actuelles, une enquête a été menée de 2005 à 2008 auprès de l’Association Francophone de Chirurgie Endocrinienne. Au total, 24 centres ont colligé 1 528 fiches (1 428 surrénalectomies unilatérales et 100 bilatérales en un temps). Il y avait 307 incidentalomes, 256 hypercorticismes d’origine bénigne (adénome surrénalien ou hyperplasie surrénalienne,…) ; 357 hyperaldostéronismes primaires, 336 phéochromocytomes, 113 corticosurrénalomes et 80 métastases secondaires à un cancer bronchopulmonaire, rénal, mammaire, colique ou encore à un mélanome cutané. Dans dix cas, le cancer primitif n’a toutefois pu être détecté. De plus, le nombre relativement élevé de métastases relevé dans cette série peut paraître surprenant.
Le diagnostic des tumeurs surrénaliennes repose en premier lieu sur la biologie : tumeur est sécrétante ou non. La radiologie conventionnelle est essentielle, reposant sur le scanner et l’IRM. Beaucoup de praticiens privilégient encore le scanner. Parmi les autres explorations, la scintigraphie au nor-iodocholestérol a longtemps été utilisée pour le diagnostic des tumeurs corticosurrénaliennes, mais il est actuellement rarement réalisé pour des raisons pratiques. En revanche, la scintigraphie à la MIBG reste particulièrement utile pour le bilan préopératoire des phéochromocytomes. Plus récent, le PET scan au 18 FDG a une très grande valeur en cas de doute sur le caractère bénin ou malin d’une tumeur corticale.
En pratique, le bilan doit être le plus « ciblé » possible afin d’éviter des interventions inutiles et aussi d’obtenir un diagnostic préopératoire précis. Devant un incidentalome, on recherche une sécrétion hormonale qui peut être cliniquement latente et, au scanner, on évalue la taille et les caractéristiques de la tumeur qui, lorsqu’elle dépasse 5 cm, voit augmenter le risque de malignité. Ces données permettent ainsi d’orienter la stratégie de prise en charge. Une tumeur de moins de 3 cm, non sécrétante, nécessite une simple surveillance dont les modalités restent cependant discutées : biologique et/ou radiologique. Lorsque l’intervention est indiquée, c’est aujourd’hui une laparoscopie qui est effectuée. Sur les 1 428 opérations rapportées par l’enquête, 1 246 correspondaient à une laparoscopie avec abord antérieur transpéritonéal et 21 avec abord rétropéritonéal, cette dernière option étant préférée en cas de surrénalectomie bilatérale, alors que l’abord antérieur est plus propice à l’ablation des tumeurs de grande taille. Une laparotomie n’a été pratiquée que chez 182 patients, en raison de la présence d’une tumeur très volumineuse, d’adhérences ou bien d’une contre-indication à la cœlioscopie. « On peut donc dire que la laparoscopie est aujourd’hui devenue la norme, la taille de la tumeur n’étant pas en elle-même une réelle contre-indication, car d’autres éléments entrent en ligne de compte tels que le morphotype du patient et l’expérience du chirurgien. Le volumineux corticosurrénalome nécessitant une exérèse élargie de type « sarcome » constitue la grande contre-indication à cet abord » commente le Pr Peix. Pour les lésions malignes, le principal risque, mais qui existe aussi en chirurgie ouverte, est en effet la déchirure de la capsule et l’ensemencement tumoral, source de récidives.
Les résultats.
Soixante-quatre conversions ont été nécessaires lors des laparoscopies (5 %) pour contrôler une complication (hémorragie) ou due à des difficultés de dissection ou de repérage de la glande. Ces conversions varient selon l’indication : plus de 15 % en cas de métastase, 7 % en cas de phéochromocytome, qui constituent les pathologies les plus exposées à une conversion.
Sept décès sont survenus (0,5 %), trois fois dans le cadre d’un hypercorticisme sévère et deux fois en présence d’un corticosurrénalome. Les complications ont été médicales et souvent liées au terrain dans les deux tiers des cas et chirurgicales dans un tiers des cas : abcès de la loge surrénalienne, hématome, hémorragie du site opératoire nécessitant une reprise chirurgicale, pancréatite et fistule pancréatique en cas de localisation à gauche.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Louis Peix, CHU, Lyon.
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