MOINS RADICALE QUE la mastectomie, la chimioprévention primaire est étudiée de très près dans le cancer du sein. Un inhibiteur de l’aromatase, l’anastrozole, s’avère très prometteur en diminuant de plus de 50 % à 5 ans l’incidence du cancer du sein chez des femmes ménopausées considérées à haut risque de cancer du sein, comme le révèle l’essai IBIS-II publié dans « The Lancet ». Pour l’auteur principal, le Pr Jack Cuzick, directeur du centre de prévention du cancer au Queen Mary University de Londres, « l’anastrozole devrait être la molécule de choix pour diminuer le risque de cancer de cancer du sein en cas d’antécédent familial ou d’autres facteurs de risque de la maladie. Cette classe médicamenteuse est plus efficace que les précédentes comme le tamoxifène et surtout bien mieux tolérée ».
Une diminution du cancer de 50 % à 5 ans.
Plus de 4 000 femmes ménopausées à haut risque de cancer du sein âgées de 40 à 70 ans ont été incluses dans l’essai randomisé IBIS-II (1920 dans le groupe anastrozole et 1944 dans le groupe placebo). La survenue de cancers était surveillée par des mammographies réalisées tous les 2 ans. À 5 ans de traitement, 40 femmes du groupe anastrozole (2 %) ont développé un cancer du sein par rapport à 85 dans le groupe placebo (4 %). Les tumeurs invasives ayant des récepteurs aux œstrogènes positifs (ER +) étaient plus fréquentes dans le groupe placebo, mais aucun bénéfice n’a été constaté dans le groupe anastrozole pour les tumeurs ER -. L’anatrozole a diminué de façon plus marquée l’incidence des tumeurs de haut grade par rapport à celles de bas grade.
Mieux tolérée mais pas mieux suivie.
L’anastrozole, administré une fois par jour par voie orale à la dose de 1 mg, s’est révélé plutôt bien toléré, en tout cas mieux que les précédentes molécules. Le risque cardio-vasculaire était identique dans les deux groupes et, l’incidence des cancers était à la baisse, et en particulier du cancer colorectal de manière très surprenante. Des effets secondaires musculo-squelettiques et vasomoteurs étaient rapportés dans les deux groupes de l’ordre de 50 %, leur incidence n’était que modestement plus importante dans le groupe anastrozole (respectivement de 6 et 8 %), de même que les cas de canal carpien et de sécheresse oculaire. Malgré ce bon profil de tolérance, l’observance n’était pas plus élevée que pour les autres molécules, de l’ordre de 70 % dans les deux groupes comme dans l’essai IBIS-I avec le tamoxifène.
Utilité en clinique.
La question cruciale est posée dans un éditorial écrit par un compatriote britannique, le Dr David Cameron du centre contre le cancer d’Edimbourg : la prévention du cancer a-t-elle une réelle traduction clinique ? En d’autres termes, la chimioprévention diminue-t-elle la mortalité globale et celle plus spécifique par cancer du sein ? L’essai IBIS-II n’apporte pas la preuve d’un effet sur la mortalité : 18 décès dans le groupe anastrozole et 17 dans le groupe placebo, pas plus que les autres molécules dont le tamoxifène après un suivi de plus de 10 ans. Pour l’oncologue britannique, il est indispensable de déterminer dans quelle mesure l’on évite de « vrais cancers », c’est-à-dire cliniquement significatifs et agressifs, mais aussi dans quelle autre l’on traite précocement des tumeurs « indolentes » cliniquement non parlantes et relevant du surdiagnostic intrinsèque au dépistage. Alors que la tolérance et l’observance continuent à poser problème, le Dr Kate Law, directrice de recherche britannique estime quant à elle : « Il est nécessaire de disposer de tests prédictifs précis pour savoir quelles femmes tireront le maximum de bénéfice pour le moins d’effets secondaires ». Si les Anglo-Saxons se sont déjà prononcés en faveur du tamoxifène et du raloxifène en prévention primaire, ces recommandations ne sont pas universelles, en particulier en Europe et en France.
The Lancet, publié le 12 décembre 2013
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