EN FRANCE, une dizaine d’équipes utilisent le robot; plus d’une centaine de patients ont été ainsi opérés depuis deux ans, dont cinquante-trois à l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). Les avantages de cette technique sont certains : une vision en 3D stable, l’optique étant maintenue par un des bras du robot, une gestuelle plus précise et une plus grande liberté dans les trois axes de l’espace, la suppression du tremblement physiologique et une position de travail plus ergonomique pour le chirurgien.
"La chirurgie assistée par robot s’inscrit dans l’évolution de la prise en charge des tumeurs des voies aéro-digestives supérieures (VADS), de la chirurgie conservatrice par voie externe à la chirurgie minimale invasive (CMI) par voie endoscopique au laser. Une autre étape est franchie avec la CMI assistée par robot, qui peut être d’ailleurs combinée à la précédente" explique le Pr Daniel Brasnu. Les études menées depuis 2005 ont prouvé la faisabilité de la chirurgie assistée par robot dans les cancers de la paroi latérale de l’oropharynx, la base de langue, l’hypopharynx. Au niveau laryngé, elle n’est actuellement possible qu’à l’étage supraglottique, l’électrocoagulation monopolaire utilisée par le robot ayant des effets thermiques trop importants pour travailler sur la corde vocale. On attend la commercialisation d’un robot équipé d’un laser CO2 transmis par fibre.
Sur le plan carcinologique, avec un recul de deux ans, les séries publiées dans la littérature montrent que les résections réalisées avec la CMI par robot sont identiques et ont les mêmes marges de sécurité qu’avec la voie externe. L’intérêt de cette technique est d’éviter, dans la grande majorité des cas, la trachéotomie et la pose d’une sonde d’alimentation ou si elle s’impose, pour une durée plus courte, réduisant ainsi le temps d’hospitalisation qui passe pour une tumeur de la base de langue de 3 semaines à 5 à 6 jours.
Une sélection rigoureuse des patients.
Les contre-indications sont essentiellement liées aux difficultés d’exposer correctement la tumeur avec les écarteurs. On récuse les tumeurs de grande taille, cette technique s’adressant uniquement aux T1, T2, voire T3. Au cours de l’endoscopie diagnostique sous anesthésie générale, une simulation vérifie que l’exposition sera bonne et que les conditions anatomiques permettront de placer le vidéoendoscope et les instruments du robot à l’intérieur de la bouche. Le nombre de conversions en chirurgie classique est faible - un patient dans la série de l’HEGP - ce qui n’est possible qu’à condition d’une sélection très précise.
La CMI par robot demande un apprentissage des IBODE et du chirurgien, pour qui les gestes sont les mêmes que dans la chirurgie conventionnelle, mais avec une vision en 3D de haute définition, multipliée dans les robots de dernière génération par un facteur 10, ce qui compense l’absence de perception tactile. La présence d’un assistant chirurgien expérimenté est indispensable à la tête du malade pour aspirer la fumée de l’électrocoagulation, exposer certaines structures. L’installation du robot est longue, mais avec l’expérience elle a été réduite de deux heures (initialement) à 20 mn.
Des possibilités thérapeutiques à explorer.
Lorsqu’un curage cervical est nécessaire il est effectué en premier, le champ opératoire étant laissé «ouvert» pendant l’exerèse transorale de la tumeur ce qui permet de revenir ensuite sur la cervicotomie pour vérifier l’absence de communications entre pharynx et espaces cervicaux. «Un travail commun avec une équipe de New-York a montré, chez quatre patients, que le robot permettait de réaliser une laryngectomie totale en évitant de monter un lambeau, un progrès majeur, mais qui n’est évidemment pas possible pour tous les patients, rapporte le chirurgien. On a aussi pu combiner cette technique avec l’utilisation d’un lambeau libre ante-brachial pour fermer le défect, ce qui permet, par exemple, d’éviter des opérations mutilantes chez les patients irradiés, ce type d’intervention étant réalisé avec l’équipe du service d’ORL de l’institut Curie.»
Cette technique pourrait aussi trouver une application en téléchirurgie, avec un chirurgien expert devant sa console commandant l’intervention du patient à distance, à condition de disposer dans ce lieu d’un robot et d’une équipe bien formée.
Vers un robot spécifiquement dédié à la chirurgie ORL.
Le robot utilisé est à l’origine prévu pour la cœliochirugie et «encombrant» pour la filière ORL. Des bras moins volumineux avec des instruments plus fins et plus flexibles amèneraient une plus grande liberté de mouvements et élargiraient les indications pour des patients dont l’ouverture buccale est limitée. Les résultats de la CMI par robot devront être évalués par rapport à la chirurgie et à la radio-chimiothérapie, non seulement sur le plan carcinologique, mais aussi la durée d’hospitalisation, la qualité de vie des patients et le rapport coût/bénéfice, l’achat et la maintenance du robot chirurgical restant très onéreux.
D’après un entretien avec le Pr Daniel Brasnu, service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, HEGP, Paris, AP-HP, Faculté de Médecine Paris Descartes.
S. Hans, D. Brasnu et coll. Chirurgie minimale invasive des cancers du larynx. La lettre d’ORL 2009;316.
S. Hans, D. Brasnu et coll. Pour ou contre le robot en chirurgie : trois points de vue. Chirurgie minimale invasive robotisée en cancérologie des voies aéro-digestives supérieures. Profession cancérologue 2010;20:11.
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