Représentant une situation fréquente en pratique clinique, les Tumeurs ovariennes présumées bénignes (TOPB) ont une prévalence est estimée entre 14 et 18 % chez les femmes ménopausées et à 7 % environ chez les femmes asymptomatiques en période d’activité génitale. Elles ont motivé plus de 45 000 hospitalisations en France en 2012. Les nouvelles recommandations (1) du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) par rapport aux précédentes, qui dataient de 2001, évoluent en privilégieant une stratégie à partir du diagnostic échographique de l’image annexielle plutôt que par type histologique de tumeurs.
Elles confirment la place de l’échographie par voie vaginale, qui constitue l’examen de première intention pour le diagnostic des TOPB. L’utilisation de la terminologie échographique et de la classification des tumeurs en six catégories définies par le groupe International Ovarian Tumor Analysis (IOTA) est préconisée (2) (voir tableau). « Ceci permet à tout le monde d’utiliser le même langage, ce qui n’était pas toujours le cas jusqu’à présent », note le Pr Jean-Luc Brun. Les critères de tailles sont importants dans la définition des TOPB. Un seuil de 1 cm a été retenu en période prépubertaire et chez la femme ménopausée, tandis que ce seuil est porté à 3 cm en période d’activité génitale. « Une image anéchogène de taille inférieure aux seuils cités ci-dessus ne doit pas être considérée comme une TOPB », insiste le Pr Brun.
De façon plus large, une règle mnémotechnique appelée « 1-3-5-7 » a été proposée par le groupe de travail du CNGOF : les seuils de 1 et 3 cm tels que rappelés ci-dessus ; celui de 5 cm au-dessous duquel la tumeur est présumée bénigne quelle que soit son échogénicité sauf en présence de facteurs de risque oncologiques ; et le seuil de 7 cm au-dessus duquel l’échographie perd en performances et fait réaliser une IRM.
Les indications de l’IRM, qui n’étaient pas à l’ordre du jour en 2001, sont précisées : diagnostic non fait par l’échographie – examen très opérateur dépendant –, doute sur le caractère ovarien ou non de la tumeur et image de taille› 7 cm en échographie.
Dans le domaine des marqueurs, le CA125 qui était jusqu’alors indétrônable est écarté en raison de sa contribution diagnostique très modeste au profit du HE4 (Human epididymis protein 4), beaucoup plus spécifique pour le diagnostic de malignité. Ce marqueur n’est pas encore inscrit à la nomenclature mais il se montre très prometteur.
Les experts déclinent la stratégie diagnostique selon deux périodes : avant la puberté et après la puberté, que la femme soit en période d’activité génitale ou ménopausée.
En période prépubertaire, l’examen clinique est abdominal, sans toucher pelvien systématique et l’échographie est réalisée par voie abdominale, complétée par une IRM si la nature de la masse est indéterminée. Le scanner peut avoir une place en urgence. Certains marqueurs spécifiques sont utilisés ; alphafoetoprotéine, HCG et stéroïdes sexuels, la crainte d’une tumeur germinale sécrétante étant toujours présente.
Parmi les traitements médicaux, la pilule estroprogestative n’est pas recommandée pour faire disparaître une image liquidienne uniloculaire, d’allure fonctionnelle, chez une femme en période d’activité génitale. Les recommandations insistent sur les risques, notamment thrombo-emboliques, qui lui sont associés. Autre message : les bénéfices des traitements médicaux sont mal étudiés dans les endométriomes. L’abstention est donc recommandée en cas d’endométriomes de moins de 3 cm asymptomatiques. En revanche, après chirurgie, la pilule estroprogestative réduit le risque de récidive.
Concernant les techniques chirurgicales, la ponction échoguidée n’est pas recommandée en cas de kyste uniloculaire liquidien en raison du taux élevé de récidive (10 à 20 %) et de l’absence d’amélioration de la qualité de la stimulation ovarienne en Aide médicale à la procréation (AMP). Elle semble en revanche intéressante pour préserver le capital folliculaire en cas d’endométriomes récidivants après kystectomie, en association à une sclérothérapie à l’éthanol.
La cœlioscopie est la voie d’abord de référence du traitement chirurgical des TOPB. Dans les endométriomes, l’excision de la paroi kystique est préférée à sa destruction pour préserver la fertilité.
La place de l’examen anatomopathologique extemporané est de plus en plus réduite du fait des difficultés diagnostiques.
« La stratégie thérapeutique doit toujours tenir compte du type de tumeur, des symptômes et du désir de préservation de la fertilité et de la fonction endocrine », rappelle le Pr Brun, avant de préciser que les recommandations détaillent la stratégie en fonction de l’aspect de la TOPB en imagerie : kyste uniloculaire liquidien pur, kyste dermoïde et endométriome.
Un chapitre est dévolu aux complications : torsion, hémorragie intrakystique et rupture hémorragique du corps jaune, qui, en cas de récidives, doit faire rechercher une maladie de la coagulation (Willebrand).
Enfin, les recommandations précisent les stratégies diagnostiques et thérapeutiques chez les enfants et les adolescents et chez la femme enceinte. La chirurgie pendant la grossesse est rarement indiquée : patiente symptomatique et image suspecte.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Luc Brun, CHU, Bordeaux
(1) Recommandations pour la pratique clinique, les tumeurs de l’ovaire présumées bénignes. Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction 2013 ;42(8):856-66
(2) Timmerman D & International Ovarian Tumor Analysis (IOTA) Group. Ultrasound Obstet Gynecol 2000;16:500-5
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