PAR LE Pr ÉLISABETH QUOIX*
LE CANCER BRONCHIQUE est la première cause de décès par cancer chez l’homme en France comme dans les autres pays du monde développé ou en cours de développement. Aux États-Unis, c’est également la première cause de mortalité par cancer chez la femme depuis 1987. En France après avoir été au sixième rang en 1995 il est passé récemment au deuxième rang de la mortalité par cancer après le sein. L’âge médian de découverte d’un cancer bronchique se situe entre 63 et 70 ans selon qu’on s’adresse ou non aux patients ayant un diagnostic histologique établi ou une simple suspicion clinique. C’est un cancer qui augmente en fréquence avec l’âge et une récente enquête du Collège des hôpitaux généraux de France a établi que 30 % des patients avaient plus de 70 ans au moment du diagnostic. La fumée de tabac est sans aucun doute la cause première du cancer bronchique. Cependant, le poids du tabac diminue avec l’âge et dans une enquête de l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT), il y avait 11,6 % de non-fumeurs chez les patients ayant plus de 70 ans, représentant 49 % des femmes contre 3 % des hommes. La proportion de non-fumeurs augmentait avec l’âge. Ces pourcentages sont très différents de ceux qu’on retrouve habituellement dans l’ensemble de la population de patients ayant un cancer bronchique, où 2 % environ des hommes sont non-fumeurs et 22 % des femmes. Dans l’enquête du Collège des hôpitaux généraux, 11,5 % des patients de 70 ans et plus étaient non-fumeurs contre 5,3 % des patients âgés de moins de 70 ans. Tout se passe comme si le vieillissement devenait en soi un facteur de risque de développer un cancer du poumon. On peut aussi penser que les fumeurs décèdent plus fréquemment d’autres comorbidités liées au tabac avant de développer un cancer. Un autre fait marquant réside dans une diminution du sex-ratio avec l’âge, spécialement chez les non-fumeurs où les hommes ne sont que trois fois plus nombreux que les femmes contre 7,8 fois plus chez les fumeurs.
En ce qui concerne les types histologiques, l’adénocarcinome, qui est le type histologique principal observé chez les femmes et les non-fumeurs, est particulièrement fréquent, représentant 27,7 % des cas (40 % pour l’épidermoïde). Les cancers bronchiques non à petites cellules représentent dans leur ensemble 85 % de l’effectif et les cancers bronchiques à petites cellules 15 %, ce qui est conforme à ce qui est habituellement relevé quel que soit l’âge.
Le cancer bronchique de la personne âgée a longtemps généré un certain nihilisme chez les médecins et les familles, renforcé par la croyance fausse qu’« à cet âge, de toute façon, le cancer évolue plus lentement ». Une autre erreur communément commise est de dire qu’elle a atteint son espérance de vie, alors qu’une femme de 80 ans a une espérance de vie de 11 ans et c’est bien entendu de celle-ci qu’il faut tenir compte et non pas de celle qu’on a à la naissance.
Pour autant, la prise en charge de ces patients âgés doit tenir compte, en plus du performance status, des comorbidités, du type histologique et du stade de la maladie, d’éléments d’appréciation gériatriques. Il s’est d’ailleurs développé en France des consultations mobiles d’oncologie gériatrique permettant de déterminer si une personne âgée peut être traitée a priori comme quelqu’un de plus jeune ou bien avec une adaptation thérapeutique ou si, compte tenu d’éléments de dépendance importants, il convient de ne faire qu’un traitement symptomatique.
Une prise en charge proche de celle des patients plus jeunes.
Dans l’étude observationnelle de l’IFCT concernant la prise en charge des personnes âgées en France en 2002-2003 dans différentes structures (CHU, CHG, cliniques privées, centres de lutte contre le cancer), seulement 15,7 % d’entre eux n’ont eu que des soins palliatifs et 71 % ont eu une chimiothérapie, soit seule, soit associée à une irradiation ou encore à une chirurgie. Ce pourcentage est particulièrement élevé quand on voit que dans les statistiques du SEER américain (Surveillance, Epidemiology and End Results), seulement 22 % des patients âgés de plus de 65 ans ont eu une chimiothérapie pour un cancer bronchique en 1993.
On peut donc penser qu’en France, la prise en charge des patients âgés est assez proche de celle de patients plus jeunes et relativement « agressive ». Les survies observées, analysées en survie relative, c’est-à-dire en prenant en compte la mortalité naturelle liée à l’âge, sont assez proches de ce que l’on observe chez des patients plus jeunes validant ainsi cette approche « agressive ».
Les recommandations concernant la chimiothérapie chez les personnes âgées sont d’utiliser des monothérapies, par exemple la vinorelbine ou la gemcitabine, mais il faut bien dire que dans l’étude de l’IFCT, 80 % des personnes âgées ont eu une chimiothérapie à base de sels de platine. Un essai mené par l’IFCT auprès de cette population de personnes de plus de 70 ans ayant un cancer bronchique de stade avancé a comparé une monothérapie à une bithérapie par carboplatine-paclitaxel. Les résultats en sont attendus au prochain congrès de l’ASCO.
En ce qui concerne la chirurgie, les lobectomies sont indiquées jusqu`à 80 ans et les pneumonectomies jusqu’à 75 ans, en sachant que plus que l’âge de l’état civil, c’est l’âge physiologique qui doit entrer en ligne de compte. Le bilan fonctionnel respiratoire mais aussi cardio-vasculaire doit permettre de prévoir la sécurité du geste. Concernant la radiothérapie, peu d’études ont été dévolues spécifiquement au sujet âgé. Il semblerait qu’elle peut être réalisée de la même façon, on sera probablement plus attentif aux indications de chimioradiothérapie concomitante en raison de la toxicité sophagienne.
Les nouvelles thérapeutiques ciblées, et notamment les inhibiteurs de tyrosine kinases de l’EGF-R, ont la même activité chez le sujet âgé que chez le sujet plus jeune et doivent ainsi être utilisées, soit en première ligne chez ceux qui ont des mutations du gène de l’EGF-R, soit encore en deuxième ou troisième ligne après échec d’une chimiothérapie.
*Service de pneumologie, hôpitaux universitaires de Strasbourg, université de Strasbourg, IFCT.
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