Peu de centres proposent actuellement l'analgésie intrathécale dans les douleurs cancéreuses rebelles en France. Alors que ces services sont basés dans les grandes métropoles, l'éloignement géographique prive de nombreux patients qui en auraient besoin. Le projet Intrathécale Auvergne-Rhône-Alpes (ITARA) met en place depuis deux ans une collaboration entre établissements hospitaliers afin de proposer la technique aux patients de la région Auvergne-Rhône-Alpes, même à distance des centres de référence. En mettant en place un réseau organisé de tous les acteurs (médecins, infirmiers, pharmaciens, services à domicile), ITARA construit un maillage de professionnels formés et accompagnés selon leurs besoins.
Pour 80 % des patients atteints de cancer, la douleur est soulagée de façon efficace par le biais des médicaments (morphiniques en particulier), d'approches non médicamenteuses (hypnose par exemple) ou de techniques locorégionales (chirurgie, radiothérapie et radiologie interventionnelle). Mais pour les 20 % restants, la douleur devient rebelle et nécessite des techniques de recours comme la neuromodulation ou l'analgésie intrathécale. Ce traitement consiste à administrer trois médicaments — morphine, naropéine et ziconotide — via une pompe, directement dans le liquide céphalo-rachidien (LCR). Ce procédé permet d'en augmenter la puissance avec des doses plus faibles limitant leurs effets secondaires.
Accompagner les établissements partenaires
ITARA structure l’accès à l’analgésie intrathécale dans cette région, autour de deux pôles d’expertise : le Centre Léon Bérard à Lyon et le CHU de Saint-Étienne. Autour de chaque pôle, des établissements partenaires peuvent bénéficier d'une offre de services variés. « Selon les besoins de chaque équipe, cela peut être de simples conseils jusqu’à une prise en charge complète du patient, là où il se trouve, par une équipe dédiée », indique la Pr Gisèle Chvetzoff, cheffe du département de soins de support au Centre Léon Bérard. Le pôle d'expertise peut mettre à disposition des produits, assurer des formations et accompagner les équipes. « Pour celles qui souhaitent s’autonomiser, des outils sont mis en commun : réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), plateforme informatique sécurisée d’échange d’information, logiciel de prescription, procédures qualité, modes opératoires… », précise la coordinatrice du projet ITARA.
Car la mise en œuvre de l'analgésie intrathécale nécessite rigueur et minutie. Cette technique complexe à manier nécessite une validation de l'indication en RCP, une implantation du dispositif au bloc opératoire, sous anesthésie générale ou locale. L'équipe médicale doit savoir utiliser les médicaments — morphine, naropéine, ziconotide — et programmer la pompe. L'équipe paramédicale doit, par ailleurs, savoir la remplir et la lire. « Il est indispensable de former et de suivre les équipes médicales et paramédicales via un binôme médecin/infirmière », précise Évelyne Arbiol, infirmière experte douleur et formatrice au Centre Léon Bérard.
Réinvestir la vie familiale
Grâce à l'analgésie intrathécale, les patients retrouvent une qualité de vie et parfois, une espérance de vie bien meilleures. Ce traitement soulage les douleurs rebelles et réduit les effets secondaires, jusque-là liés aux traitements par voie générale et notamment, aux fortes doses d’opioïdes. « L'analgésie intrathécale permet à des patients, souffrant de douleurs intolérables et ayant perdu tout espoir, de se réinvestir dans la vie familiale et parfois professionnelle », souligne le Pr Bernard Laurent, neurologue, spécialiste de la douleur au Centre Léon Bérard et président du conseil scientifique de la fondation APICIL engagée contre la douleur à tous les âges de la vie et qui soutient le projet.
La Haute Autorité de santé a déjà posé le cadre du recours à l'analgésie intrathécale. « Cette dernière peut être discutée dans 1 à 5 % des douleurs complexes liées au cancer », note la Pr Chvetzoff. En effet, l’analgésie intrathécale est recommandée chez les patients en situation palliative ayant des douleurs rebelles, lorsqu’un syndrome douloureux n’est pas contrôlé par l'équivalent de 200 mg de morphine per os ou chez les patients présentant des effets indésirables graves des antalgiques. À ce jour, plus de 20 établissements répartis dans 10 départements ont bénéficié des services proposés dans le cadre d'ITARA. En mars 2021, un bilan à deux ans et des propositions seront effectuées en faveur de la pérennisation du projet.
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