TOUT EST question de « timing ». Un aphorisme particulièrement vrai pour la chimiothérapie des cancers ORL non opérés. D’après les résultats de l’essai britannique UK Head and Neck (UKHAN1), une chimiothérapie sans platine serait encore bénéfique après 10 ans sur la mortalité et la rémission, si elle est administrée de façon concomitante à la radiothérapie. En revanche, aucun intérêt à en délivrer après les rayons puisqu’elle est inefficace, allant même jusqu’à annuler les effets d’une éventuelle chimiothérapie concomitante antérieure. Chez les sujets ayant eu un traitement chirurgical, ce protocole sans platine moins agressif est inefficace.
Plus de 960 patients atteints d’un cancer avancé de la tête et du cou ont été inclus dans l’étude, sur 34 centres britanniques et 2 à Malte et en Turquie. Les patients n’ayant pas eu de traitement chirurgical étaient randomisés en 4 groupes : soit radiothérapie seule ; soit radiothérapie avec deux chimiothérapies administrées simultanément au 1er et au 14e jours de la radiothérapie ; soit radiothérapie avec deux chimiothérapies administrées 14 et 28 jours après les rayons ; soit radiothérapie avec deux chimiothérapies concomitantes (au 1er et 14e jours) et deux autres postérieures (14 et 28 jours après). La chimiothérapie comportait soit du méthotrexate seul, soit de la vincristine, de la bléomycine, du méthotrexate et du fluorouracile.
Chez les patients non opérés, la survie globale médiane était ainsi de 2,6 ans (IC 99 %, 1,9-4,2) dans le groupe radiothérapie seule ; de 4,7 ans (2,6-7,8) dans le groupe chimiothérapie concomitante ; de 2,3 ans (1,6-3,5) dans le groupe chimiothérapie après radiothérapie et de 2,7 (1,6-4,7) dans le groupe chimiothérapie pendant et après radiothérapie (p = 0,10). Les rémissions correspondantes (définies par l’absence de récidive, nouvelles tumeurs ou décès) étaient respectivement de 1 an (0,7-1,4) ; 2,2 ans (1,1-6,0) ; 1 an (0,6-1,5) et 1 an (0,6-2,0). Quant aux patients opérés, la survie globale médiane était de 5 (IC 99 %, 1,8-8,0) et 4,6 (2,2-7,6) ans, respectivement dans le groupe radiothérapie seule et celui chimiothérapie seule (p = 0,70).
Une alternative pour sujets fragiles.
Les cancérologues s’interrogent depuis une dizaine d’années sur l’intérêt de la chimiothérapie dans les cancers de la tête et du cou. Une métaanalyse publiée en 2000 avait déjà montré qu’une chimiothérapie concomitante réduisait la mortalité de 19 % comparée à la radiothérapie seule. À l’époque de l’UKHAN, il était admis que la chimiothérapie pouvait être efficace, administrée en même temps ou après une radiothérapie radicale. L’objectif de cette étude était ainsi d’évaluer l’efficacité de la chimiothérapie et l’effet du « timing » d’administration dans les situations avec ou sans traitement chirurgical auparavant. La chimiothérapie sans platine peut ainsi être considérée comme une alternative efficace chez les patients trop fragiles pour pouvoir tolérer le cisplatine. Ces patients souvent alcoolo-tabagiques et aux comorbidités multiples tolèrent mal le plus souvent le cisplatine, ce qui est un frein à la combinaison radicale chimiothérapie- radiothérapie.
Dans l’étude, les principaux effets secondaires étaient les stomatites pendant le traitement et la xérostomie après 6 mois. L’allongement de la survie sans récidive est d’autant plus important dans cette population souvent stigmatisée. De moins en moins de patients auraient ainsi besoin d’une chirurgie de sauvetage radicale, entraînant des mutilations, des troubles de la parole et de l’alimentation, une exclusion sociale. Dans cette population en mauvais état général, la chimiothérapie sans platine représente une alternative relativement simple, efficace, économique et bien tolérée, augmentant les chances d’aller jusqu’au bout du traitement et ainsi les chances de guérison.
The Lancet, édition en ligne du 28 octobre 2009.
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