« SI VOUS NE pouvez pas partir à l’étranger pour y être traitée, il ne vous reste qu’à vous asseoir et attendre la mort. » La formule est laconique mais elle décrit bien la réalité qu’entendent dénoncer les experts du CanTreat International (Cancer Treatment Informal Working group) dans le rapport qu’ils publient aujourd’hui à l’occasion du Congrès de l’European cancer organisation. Mary Onyango est kenyane, elle a 40 ans et souffre d’un cancer du sein. Comme elle, des millions de patients dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ont un accès limité à une prise en charge médicale.
Incidence multipliée par 2.
Or, affirme le rapport, si le cancer a longtemps été considéré comme une maladie des pays riches industrialisés, il est en passe de devenir un problème de santé majeur dans les pays en développement. En 2008, plus de la moitié des 12,4 millions de nouveaux cas et les deux tiers des 7,6 millions de décès dus au cancer ont concerné des pays à revenu faible et intermédiaire. « Le cancer y fait chaque année plus de morts que le sida, la tuberculose et le paludisme », notent les experts. Et les prévisions sont plutôt inquiétantes. « La tendance actuelle fait craindre un doublement du fardeau global du cancer au cours des vingt prochaines années, avec environ 26,4 millions de nouveaux cas et 17 millions de décès dus au cancer par an dans le monde d’ici 2030 », prédisent-ils.
Tous les cancers méritent une attention particulière, mais le rapport souligne le fardeau que constituent les cancers féminins. L’incidence du cancer du sein, le cancer le plus répandu au monde, y est croissante, avec des taux jusqu’à 10 fois supérieurs à la moyenne internationale (jusqu’à 5 % par an au lieu de 0,5 % par an). Le taux d’incidence du cancer du col de l’utérus est, lui, très variable, entre 7 pour 100 000 femmes par an en Chine, 25 pour 100 000 en Afrique subsaharienne et 87 pour 100 000 en Haïti, contre 10 pour 100 000 en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest. La mortalité n’est pas en reste, puisqu’une fois le diagnostic posé, le risque de décès est en général 3 fois plus élevé pour un habitant d’un pays pauvre que pour un habitant d’un pays riche. Ainsi, 85 % de l’ensemble des décès par cancer du col et 50 % des décès par cancer su sein, surviennent aujourd’hui dans les régions les plus défavorisées du globe.
Manque de ressources.
Face à l’ampleur et à l’extension de cette épidémie silencieuse, les moyens paraissent dérisoires. Seulement « 5 % des ressources mondiales destinées à la lutte contre le cancer sont affectées aux pays en développement », regrettent les experts. Il n’est pas plus anodin que la maladie soit « notablement absente » des Objectifs du millénaire pour le développement et que la liste modèle des médicaments essentiels de l’OMS, « dont l’influence sur le choix des traitements disponibles » dans ces pays, ne répertorie « qu’un seul anticancéreux, le tamoxifène/Nolvadex ». D’autres médicaments contre le cancer figurent sur la liste complémentaire de l’OMS, mais ils requièrent des soins et des installations médicales spécialisées très rares dans les pays concernés.
« Les établissements médicaux disposant des outils nécessaires au diagnostic et au traitement du cancer ne sont généralement pas accessibles aux populations pauvres, rurales. La majorité du personnel de santé n’est pas formé à la prévention, au diagnostic et au traitement du cancer, commente le Pr David Kerr, cancérologue (Université d’Oxford). C’est pourquoi 80 % des patients atteints de cancer ne consultent qu’à un stade avancé de la maladie. Dans les pays pauvres, la plupart des femmes ne bénéficient que d’une attention médicale réduite, voire nulle. »
Or pour les deux types de cancer dont elles souffrent, « on dispose de méthodes de prévention et/ou de traitement efficaces pouvant être mises en place dans les régions à faibles ressources, mais dont ne bénéficient pas encore la plupart des malades », poursuit le Dr Joseph Saba (voir encadré).
Le rapport souligne la nécessité de « stratégies plus pragmatiques », les directives établies dans les pays riches « ne sont pas applicables aux pays ne disposant pas de ressources nécessaires à leur mise en uvre ».
Soins palliatifs à généraliser.
Parmi les priorités actuelles, les soins des patients au stade terminal apparaissent essentiels : un effort doit être fait en faveur de la formation du personnel de santé et l’offre de services de soins palliatifs doit être généralisée. Actuellement, des restrictions relatives à l’utilisation de la morphine – conventions internationales sur les narcotiques – empêchent la majorité des patients de bénéficier d’une prise en charge de leur douleur intolérable. Selon l’OMS, l’accès à la morphine n’existe pas ou peu dans 150 des 193 États membres de l’organisation et 30 à 86 millions de malades dans le monde n’ont pas accès aux méthodes de soulagement de la douleur modérée à sévère.
Dans leurs recommandations, les experts insistent aussi sur la sensibilisation du public afin de vaincre les idées reçues, la désinformation et les préjugés qui conduisent à la stigmatisation et au retard au diagnostic, l’amélioration des sonnées de surveillance et le renforcement des systèmes de santé qui devrait bénéficier aux autres maladies chroniques comme les maladies cardio-vasculaires ou le diabète.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024