LES ANTI-BRAF comme le vemurafenib ou le dabrafenib ont montré dans tous les essais cliniques un taux de réponse de plus de 50 % et une amélioration significative de la survie chez les malades ayant des mélanomes porteurs de la mutation du gène BRAF V600. Dans un essai de phase III, le vemurafenid a réduit de 63 % le risque de décès et de 74 % la progression du mélanome métastatique par rapport à une chimiothérapie conventionnelle (1). Sous dabrafenib (2), la survie sans progression est de 5,1 mois versus 2,7 mois pour la dacarbazine (HR = 0,30, p ‹0,0001). Quant au trametinib, un anti-MEK, il entraîne un taux de réponse de plus de 20 % dans les mélanomes présentant la mutation BRAF V600 avec une amélioration significative de la survie sans progression et de la survie globale par rapport à la dacarbazine.
Parallèlement à ces petites molécules, se sont développées des thérapeutiques visant différentes cibles immunologiques, comme la voie PD-1 (mort programmée-1) ou l’antigène CTLA-4 (cytotoxic T-cell lymphocyte–associated antigen) exprimés sur les lymphocytes.
Les inhibiteurs du CTLA-4 sont des immunomodulateurs restaurant la prolifération et l’activation des cellules T. L’ipilimumab et le tremelimumab sont des anticorps humains monoclonaux qui ont fait leurs preuves en situation métastatique dans des essais de phase III. L’ipilimumab a permis un allongement de la survie versus la vaccination GP100 ou la dacarbazine (3).
Des essais prometteurs en cas de mutation BRAF V600.
Divers types de combinaisons thérapeutiques ont été testés, associant ces nouvelles molécules aux traitements classiques, mais surtout associant anti-BRAF et anti-MEK ou ces thérapeutiques ciblées avec l’immunothérapie.
Le double blocage de la voie BRAF V600 est le plus avancé, et les essais en cours semblent prometteurs. L’association pourrait permettre de limiter les deux questions majeures liées aux traitements anti-BRAF, celui de la résistance et celui de la toxicité. Malgré les résultats intéressants sur la survie, la grande majorité des patients échappent au traitement après quelques mois du fait d’une réactivation de la voie de signalisation MAPK (mitogen-activated protein kinase) ; d’autre part, l’utilisation de ces petites molécules est limitée par leur toxicité, oculaire surtout pour les anti-MEK et cutanée pour les anti-BRAF, avec en particulier une hyperprolifération cutanée de type kératodermie, kératose pilaire, papillomes, carcinomes épidermoïdes etc., qui serait liée à l’activation paradoxale de la voie de signalisation MEK. L’association réduit certains effets iatrogènes cutanés de chaque molécule, même si persiste la toxicité propre aux anti BRAF et aux anti MEK.
Dans une étude menée en ouvert chez 247 patients au stade métastatique d’un mélanome porteur de la mutation BRAF V600, après un suivi moyen de 14 mois, l’association d’un anti-BRAF, le dabrafenib, et d’un anti-MEK, le trametinib, a augmenté la survie sans progression (9,4 versus 5,8 mois, p ‹0,001) avec une réponse objective dans 76 % versus 54 % des cas par rapport au dabrafenib seul. La combinaison réduit le nombre de carcinomes cutanés spinocellulaires (7 % versus 19 %), mais de façon non significative, et s’accompagne d’un taux plus élevé de fièvre (4).
D’autres essais sont en cours pour étudier les combinaisons d’immunothérapies et de thérapies ciblées anti-BRAF ou anti-MEK. Elles s’appuient sur les qualités propres à chaque molécule, le taux important de réponses pour les anti-BRAF et la durabilité de la réponse tumorale pour l’immunothérapie. Les essais précliniques et les premières études cliniques en montrent la faisabilité, le traitement par anti-BRAF n’affectant pas de façon négative les lymphocytes T et leurs fonctions. Une étude de phase III, ECOG 1609, va comparer l’ipilimumab associé aux thérapies ciblées versus l’interféron à fortes doses.
« Ces stratégies thérapeutiques ne s’adressent qu’aux patients ayant la mutation BRAF V600 et dans deux circonstances ; soit en tant qu’adjuvant pendant un an dans les stades III ganglionnaires chez les patients opérés en rémission complète ; soit au stade métastatique chez des patients non opérables et relevant d’une chimiothérapie, l’association n’étant actuellement prescrite dans cette situation qu’au cours de protocoles d’essais », explique le Dr Jouary. D’autres protocoles sont à l’étude chez ce type de patients avec la combinaison immunothérapie et anti-BRAF.
« En l’absence de mutations dans un gène connu, le mélanome reste un peu orphelin, sans autre solution que la chimiothérapie conventionnelle dont l’efficacité est très moyenne. La chimiothérapie conventionnelle garde toute sa place dans le traitement du mélanome, y compris chez ceux ayant la mutation, lorsque le traitement anti-BRAF s’épuise », rappelle le dermato-cancérologue.
Mais la recherche se poursuit sur d’autres mutations et d’autres types de traitements encore plus efficaces et qui devraient être disponibles dans les cinq à dix ans.
› Dr MAIA BOVARD-GOUFFRANT
D’après un entretien avec le Dr Thomas Jouary, dermato-oncologue, hôpital Saint-André, Bordeaux.
(1) Chapman. N Engl J Med 2011 ;364 :2507-16.
(2) Hauschild, Lancet, 2012 ;380(9839) : 358–65.
(3) Hodi FS. N Engl J Med. 2010 ;363(8) :711-23 et Robert C. N Engl J Med 2011 ; 64 :2517-2526.
(4)Combined BRAF and MEK Inhibition in Melanoma with BRAF V600 Mutations. Keith T. Flaherty. N Engl J Med 2012 ;367: 1694-703 ; Smalley K. S. M. & Sondak V. K. Nat. Rev. Clin. Oncol 2013 ;10 :5–6.
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