« Les carcinoses péritonéales secondaires d’origine colorectale touchent initialement 10 à 15 % des cancers colorectaux et compliquent secondairement 20 à 30 % de ces cancers », rappelle le Pr Glehen. Les autres tumeurs péritonéales peuvent être secondaires à un pseudomyxome du péritoine ou maladie gélatineuse du péritoine (d’origine appendiculaire dans 90 % des cas ou d’origine ovarienne). Les mésothéliomes péritonéaux qui sont des atteintes primitives de la séreuse péritonéale représentent un cinquième des mésothéliomes, le plus fréquent d’entre eux étant le mésothéliome pleural. Enfin, les cancers de l’estomac et du pancréas sont deux grands pourvoyeurs de carcinoses péritonéales secondaires.
Les carcinoses péritonéales aujourd’hui accessibles aux traitements curatifs
Il y a encore vingt ans, les carcinoses péritonéales étaient considérées comme l’évolution terminale de ces cancers. Au cours de ces vingt dernières années, des traitements à visée curative se sont développés : techniques chirurgicales de cytoréduction pour traiter la maladie macroscopique et chimiothérapie intrapéritonéale pour traiter la maladie microscopique, combinée à l’hyperthermie Chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale (CHIP). L’hyperthermie a effectivement démontré qu’elle était cytotoxique pour les cellules tumorales et augmentait l’action cytotoxique de certaines molécules de chimiothérapie soit en améliorant leur pénétration à l’intérieur des tissus, soit en augmentant leur toxicité. Deux grandes techniques existent : CHIP à ventre fermé (technique développée au centre hospitalo-universitaire Lyon sud) ou CHIP à ventre ouvert (développée à l’institut Gustave Roussy).
Grâce à la CHIP, le pronostic de plusieurs carcinoses s’est trouvé complètement modifié : c’est notamment le cas de certaines tumeurs rares du péritoine – pseudomyxome et mésothéliomes – mais aussi des carcinoses d’origine colorectale et même si la technique est moins développée, des carcinoses d’origine ovarienne. La particularité du cancer ovarien est une des rares carcinoses péritonéales pour laquelle existe une efficacité de la chimiothérapie systémique qui n’est absolument pas retrouvée pour les autres types de carcinoses. Mais ce n’est souvent que temporaire, d’où l’intérêt d’évaluer pour cette maladie qui reste longtemps à évolution exclusivement locorégionale, la cytoréduction associée à une CHIP. Cependant, la technique ayant surtout été développée par les chirurgiens digestifs et non par les gynécologues, le recours à la CHIP a été et est beaucoup plus évalué pour les carcinoses primitives et digestives que gynécologiques. « Pour les carcinoses colorectales, on est passé d’une médiane de survie de 3 à 6 mois à des médianes de survie dépassant les 30 mois aujourd’hui, voire même, dans les centres spécialisés, à plus de 60 mois lorsque la sélection des patients est optimale. Il existe même des cas de guérison, ce qui était encore illusoire, il y a quelques années », insiste le Pr Glehen.
Dans tous les cas, la CHIP reste lourde et nécessite d’être réalisée dans des centres spécialisés dans la prise en charge des carcinoses : la mortalité est évaluée à 2-3 % en postopératoire et la morbidité (complications sévères), à 30-40 %. « L’état général du patient conditionne donc la décision de proposer une CHIP ou pas. La possibilité d’une chirurgie complète pour retirer toute la maladie macroscopique, aussi. L’enjeu des prochaines années sera probablement de trouver les traitements médicaux, qu’ils soient par voie systémique ou par voie intrapéritonéale, permettant d’obtenir une fonte tumorale suffisamment importante pour permettre à encore plus de patients, de pouvoir bénéficier de cette association thérapeutique curative », précise Olivier Glehen.
Une place pour la CHIP en prévention des carcinoses secondaires ?
Du fait de ces bons résultats, se développent en parallèle des protocoles de traitement préventif de ces carcinoses péritonéales, ce qui demande de bien identifier les patients à risque. Deux essais multicentriques sont en cours : l’essai Prophylochip coordonné par l’Institut Gustave Roussy, qui évalue l’intérêt d’une CHIP systématique (versus surveillance simple) chez les patients à tumeur perforée, avec métastase ovarienne isolée réséquée et avec petite carcinose réséquée en même temps que la tumeur primitive. Les inclusions devraient être terminées d’ici la fin de l’année et les résultats, attendus dans deux ans. Au cours de ces CHIP préventives sont découvertes des carcinoses dans plus de 50 % des cas, ce qui semble justifier cette attitude préventive. Il reste à savoir si cela se traduit concrètement par un gain en terme de survie.
Le second protocole Gastrochip, coordonné par le Pr Glehen, évalue l’intérêt d’une CHIP prophylactique chez les patients ayant un cancer gastrique qui envahit les ganglions ou la séreuse ou qui présentent une cytologie péritonéale positive, car leur risque de carcinose péritonéale secondaire est estimé supérieur à 50 %. Cette étude a démarré il y a un peu plus d’un an mais comme son objectif est l’étude de la survie globale à cinq ans, il faudra attendre encore plusieurs années avant d’avoir les résultats. À suivre…
D’après un entretien avec le Pr Olivier Glehen, chef de service de chirurgie générale et oncologie au centre hospitalier Lyon Sud (centre expert du réseau RENAPE des tumeurs rares du péritoine, soutenu par l’INCA) et directeur de l’équipe « carcinoses péritonéales » EMR 3738 (faculté Lyon sud Charles Mérieux, université Lyon 1).
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