L’arsenal thérapeutique contre les tumeurs malignes s’enrichit de jour en jour, et à côté des anti-VEGF/VEGFR classiquement impliqués dans l’élévation de la pression artérielle (PA), d’autres familles comme les inhibiteurs du protéasome révèlent leurs effets hypertensifs, qu’il s’agisse de l’induction d’une HTA réversible ou non ou de l’aggravation d’une HTA préexistante.
Les plus incriminés sont les anti-VEGF/VEGFR, comme les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) prescrits dans les cancers métastatiques pulmonaires, digestifs, rénaux ou les anticorps monoclonaux comme le bevacizumab, l’aflivercept, le ramucirumab. On manque de données précises sur l’incidence de l’HTA et des complications cardiovasculaires (CV), les essais concernant des patients très sélectionnés et les mesures tensionnelles n’étant pas toujours mentionnées. « Et l’HTA de l’oncologue n’est pas forcément celle du cardiologue, des valeurs de 140 ou 150 mmHg ayant été considérées comme normales pendant des années », remarque le Dr Joachim Alexandre (CHU de Caen). Par contre, dans la vie réelle, on ne peut que constater la fréquence de l’HTA, avec sous ITK par exemple, une incidence qui peut aller de 4 % à plus de 40 %. Ainsi, 1,7 % des patients sous bevacizumab ont dû être hospitalisés pour HTA.
Les conséquences sur la PA sont très dose-dépendantes. Elles peuvent survenir très rapidement, parfois quelques heures après la première administration et peuvent persister plusieurs jours ou semaines après l’arrêt de l’anti-VEGF.
Traitement du myélome multiple et HTA
Plus récemment s’est développée la classe des inhibiteurs du protéasome, prescrits dans les myélomes multiples. On dispose d’un peu plus de données, la surveillance tensionnelle étant meilleure et l’effet hypertenseur étant apparu rapidement dans les essais cliniques. Selon une méta-analyse, l’incidence de l’HTA serait de 12 %, ce qui est largement sous-estimé et concernerait plutôt un quart à un tiers des patients. Une étude a montré qu’un BNP > 100 pg/l ou un NTproBNP > 125, ainsi qu’une insuffisance rénale avant le traitement, constituaient des facteurs prédictifs du risque d’HTA et d’évènements CV. Le délai médian de survenue des évènements CV est de 31 jours, 86 % apparaissant dans les 3 premiers mois.
Comment traiter l’HTA des patients traités pour cancer ?
La question ne se pose pas de savoir s’il faut les traiter, les patients atteints de cancer ayant un risque supérieur de développer des complications CV pour le même nombre de facteurs de risque. Paradoxe apparent, le pronostic oncologique semble meilleur en cas de survenue d’une HTA, témoignant d’une plus grande efficacité du traitement. Le pronostic est donc le plus favorable chez un patient traité pour cancer et hypertendu, mais à condition que son HTA soit traitée !
Il faut garder les mêmes seuils et cibles que chez le patient non cancéreux, et insister sur la manière de prendre la PA pendant le traitement et les jours suivants : à chaque consultation d’oncologie, mais au moins une fois par semaine au cours du premier cycle, puis toutes les 2 à 3 semaines pendant la suite du traitement. Il va sans dire que le patient doit être informé et éduquer à surveiller sa PA par automesure et la quantité de sel dans son assiette. Au bilan des autres facteurs de risque CV doit s’ajouter une évaluation de la fonction rénale, les anti-VEGF étant néphrotoxiques. Il faut recherche la prise d’autres médicaments pourvoyeurs d’HTA (venlafaxine, IMAO, antidépresseurs tricycliques, corticoïdes, AINS, immunosuppresseurs, drogues illicites,...).
Quels antihypertenseurs ?
Le choix des molécules se fait parmi celles qui ont fait leurs preuves et qui n’interagissent pas avec les anticancéreux via le CYP3A4 ou la glycoprotéine P. En première intention, on préfère les IEC (pas les ARAII dont certains provoquent des interactions), qui présentent aussi l’intérêt d’être néphroprotecteurs, ou les inhibiteurs calciques (en particulier l’amlodipine). Les bêtabloquants, diurétiques thiazidiques, antialdostérones peuvent être prescrits en seconde intention. « Il faut proscrire les inhibiteurs calciques bradycardisants comme le vérapamil ou le diltiazem qui exposent à un risque majeur d’interaction avec les anticancéreux », insiste le cardiologue.
D’après la communication du Dr Joachim ALEXANDRE (CHU de Caen), 31° Congrès du CNCF
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