Deux femmes sur dix après cancer du sein

Lymphœdème secondaire du membre supérieur

Publié le 08/11/2010
Article réservé aux abonnés
1289205383199866_IMG_47488_HR.jpg

1289205383199866_IMG_47488_HR.jpg
Crédit photo : DR

Cancer du sein

De 15 à 20 % des femmes sont touchées après traitement du cancer du sein.

Les lymphœdèmes du membre supérieur secondaires au cancer du sein représentent la principale cause des lymphœdèmes en France. La fréquence est estimée actuellement entre 15 et 20 % après curage axillaire classique et entre 3 et 7 % après la technique du ganglion sentinelle. En consultation, le diagnostic de lymphœdème est posé en présence d’une différence de circonférence de 2 cm sur plusieurs niveaux par rapport au membre controlatéral. Pour évaluer l’efficacité du traitement, il est important ensuite d’apprécier le volume du membre en totalité, idéalement par la volumétrie à eau (qui est la technique de référence) ou par calcul à partir des mesures circonférentielles en assimilant chaque segment de membre à un tronc de cône. Dans quelques cas exceptionnels, le lymphœdème peut précéder la découverte du cancer du sein. Il existe aussi des lymphœdèmes secondaires du membre supérieur après curage axillaire pour mélanome, après traitement de lymphomes de Hodgkin ou non hodgkiniens, ou après biopsie axillaire à visée diagnostique.

Facteurs favorisants

Les principaux facteurs de risque de développement d’un lymphœdème sont le nombre de ganglions enlevés lors du curage axillaire, la radiothérapie, en particulier sur les aires ganglionnaires axillaires, la mastectomie (comparée à la tumorectomie), la surcharge pondérale lors du cancer du sein, la prise de poids après le traitement du cancer et la diminution des activités après la chirurgie du sein.

Examen clinique

Les lymphœdèmes du membre supérieur débutent préférentiellement au niveau proximal ou au niveau du coude et peuvent s’étendre vers l’avant-bras et la main. Cependant, ils peuvent aussi d’emblée toucher la main, y rester localisés ou avoir une extension proximale. Il est fréquent d’observer un lymphœdème de la paroi thoracique latérale ou du sein opéré. Le lymphœdème n’est pas douloureux mais entraîne fréquemment une impression de lourdeurs ou de pesanteur du membre. La présence d’une douleur doit faire rechercher une pathologie associée (thrombose veineuse profonde, pathologie ostéoarticulaire de l’épaule en particulier, neuropathie) mais surtout une récidive du cancer.

La peau peut être souple (évoquant une composante adipeuse plus importante que la composante liquidienne) ou au contraire tendue (non plissable) ou prendre le godet.

Examens complémentaires

Le diagnostic de lymphœdème est avant tout clinique. Lors de l’apparition ou d’aggravation volumétrique d’un lymphœdème, un écho-doppler veineux doit être systématique, les objectifs étant d’éliminer une thrombose veineuse profonde (axillaire, sous-clavière) récente ou passée inaperçue, ou des lésions secondaires à la radiothérapie (sténose post-radique). De même, il est indispensable d’éliminer une reprise évolutive du cancer du sein.

Complications

La principale complication du lymphœdème est l’érysipèle. Le diagnostic n’est pas toujours facile car il est plus inhabituel que pour le membre inférieur. Le début est brutal, avec frissons, fièvre élevée, parfois des signes digestifs trompeurs (nausées, vomissements) puis une rougeur du membre supérieur, une augmentation de volume, des douleurs avec une extension possible à la paroi thoracique et au sein opéré. Les portes d’entrée sont moins fréquemment retrouvées qu’au membre inférieur : piqûre d’insecte, plaie minime, griffures, soins de manucure, brûlures. Environ une femme sur trois, aura un ou plusieurs érysipèles au cours de l’évolution du lymphœdème du membre supérieur. Une partie d’entre elles aura des récidives fréquentes nécessitant une antibioprophylaxie prolongée.

Le retentissement psychologique est important et la qualité de vie est altérée chez les femmes ayant un lymphœdème du membre supérieur. En effet, les femmes présentent davantage de signes d’anxiété, de syndromes dépressifs, de problèmes sexuels et sociaux, ou d’aggravation de maladies psychiatriques préexistantes. La qualité de vie des femmes est d’autant moins bonne qu’il existe un lymphœdème associé à d’autres problèmes du membre supérieur (douleurs, raideurs, limitation de la mobilité de l’épaule, neuropathie) ou que le lymphœdème touche la main.

Le lymphangiosarcome est une tumeur maligne exceptionnelle se révélant par des lésions violacées, phlycténulaires sérohématiques, ou pseudo-ecchymotiques infiltrées à la palpation, souvent douloureuses. Le pronostic reste très mauvais malgré les différents traitements proposés (amputation du membre, radiothérapie externe, polychimiothérapie systémique).

Évolution

Le lymphœdème du membre supérieur a une tendance spontanée à augmenter de volume de façon progressive et insidieuse sans traitement. L’augmentation de volume est due à la composante lymphatique mais surtout à une composante tissulaire, essentiellement faite de fibrose collagène qui rend irréversible le retour au volume antérieur. Le traitement a donc pour principal objectif de limiter voire de bloquer cette évolution vers l’augmentation de cette fibrose.

 Dr STÉPHANE VIGNES Unité de Lymphologie, Centre national de référence des maladies vasculaires rares, hôpital Cognacq-Jay, 15 rue Eugène-Millon, 75015 Paris.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8852