Médecins du Monde, associé à l'association suisse Public Eye, a introduit mardi 2 juillet devant l'Office européen des brevets (OEB), une opposition à un des brevets protégeant la propriété intellectuelle de Kymriah (tisagenlecleucel), le CAR-T cell développé par Novartis.
Kymriah est protégé par 3 brevets européens. Seul le dernier fait l'objet d'une procédure d'opposition, la période limite de contestation de 9 mois ayant été dépassée pour les 2 autres. Quel que soit le résultat de la procédure, la propriété intellectuelle de Novartis ne sera donc pas remise en question. Les associations veulent néanmoins faire de leur geste un symbole du « manque de rigueur » avec lequel des brevets sont accordés à ces médicaments, au moment même que le prix d'une injection de CAR-T devrait s’établir entre 320 000 à 350 000 euros par patient.
« Des réserves avaient été émises par l'OEB lors de la demande de brevet concernant Kymriah, car un brevet similaire avait déjà été déposé par l'université de Pennsylvanie, explique Theau Brigand, coordinateur du plaidoyer « prix des médicaments et systèmes de santé » chez Médecins du Monde. Elle a finalement été acceptée suite à l'ajout de données d'essais réalisés chez l'humain. À notre sens, il n'y a aucune inventivité. Tout découle de ce qui a été fait chez la souris. »
Trois motifs
Dans le dossier remis hier à l'OEB par le cabinet Lionel Vial, 3 motifs sont évoqués. En premier lieu, il existerait une confusion dans la définition de ce que protège le brevet. Cette dernière se base en effet à la fois sur la cible du récepteur antigène chimérique (CAR) exprimé par les cellules CAR-T, sur la région de signalisation co-stimulatrice et sur la catégorie de patients ciblée. Or les textes internationaux en matière de propriété intellectuelle indiquent qu'il n'est pas possible d'empiler plusieurs types de définitions sans créer une ambiguïté.
Les deux autres motifs sont plus scientifiques. Le brevet porte sur un traitement des cancers en général alors qu' « aucune donnée présentée à l'OEB » ne permet d'affirmer une efficacité en dehors de la leucémie lymphoblastique aiguë à grandes cellules B. Dernier argument : 3 études publiées dans « Journal of Cancer », « Science Translationnal Medicine » et dans le « New England Journal of medicine », tendent à prouver que des CAR-T cells aux mêmes caractéristiques que le tisagenlecleucel avaient déjà été testés chez des patients humains par les équipes de l'université de Pennsylvanie, avant que Novartis ne dépose son brevet.
Pour Médecins du Monde, l'OEB n'a pas les moyens de faire respecter les critères de brevetabilité. « C'est une faille procédurale, consentie par les états qui devraient demander une application plus stricte des procédures. Cela ne devrait pas être le rôle de Médecins du Monde de déposer ce genre de recours ! », estime Theau Brigand.
Une action symbolique
Kymriah dispose d'une AMM européenne dans l'indication de la leucémie lymphoblastique aiguë à grandes cellules B de l'adulte et de l'enfant, en 2e intention. Avec Yescarta (axicabtagene ciloleucel ou axi-cel, Gilead), il fait actuellement l'objet de discussions au sein du Comité économique des produits de santé (CEPS) en vue de fixer un prix. Le résultat de la procédure engagée devant l'OEB ne sera pas connu « avant 2020 ou 2021, selon Theau Brigand, mais il est important que notre demande ait lieu pendant les négociations, insiste-t-il. On espère que la contestation du caractère innovant de ce traitement pèsera sur les discussions ».
Médecins du Monde et d'autres associations avaient déjà tenté 2 procédures similaires à l'encontre du brevet de l'antiviral à action directe sofosbuvir. La première procédure a abouti, en octobre 2016, à une remise en cause partielle du brevet obtenu en juin 2014 sur la prodrogue. À l’issue de la seconde procédure, en septembre 2018, l'OEB a estimé que le brevet protégeant la prodrogue du sofosbuvir, n'est pas contestable. Ces deux procédures font l'objet d'appels toujours en cours.
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