Les plus gros consommateurs de poisson sont exposés à un surrisque de mélanome, suggère un travail de l'université Brown (États-Unis) publié dans « Cancer Causes & Control ». Des résultats préliminaires à interpréter avec prudence, qui ne doivent pas remettre en question la place du poisson dans les repères nutritionnels.
Les chercheurs ont classé les données de près de 500 000 adultes de 62 ans en moyenne (recrutés dans une cohorte des instituts nationaux américains de la santé dédiés à l'alimentation et la santé) en fonction de leur consommation de poisson. Au cours des 15 années de suivi médian, 5 034 participants ont développé un mélanome malin et 3 284 ont développé un mélanome in situ.
Les auteurs ont constaté que les personnes mangeant une quantité médiane de poisson de 42,8 g par jour (soit un peu plus de deux portions de poisson par semaine) avaient 22 % de risque de mélanome en plus (sur une période de suivi médiane de 15 ans) que ceux consommant en médiane 3,2 g. Ces mêmes gros consommateurs de poisson avaient un risque de mélanome in situ augmenté de 28 %.
Le surrisque était en particulier associé à la consommation de thon : 20 % de risque de mélanome en plus chez les gens qui en mangent 14,2 g par jour en moyenne et 17 % de risque en plus de mélanome in situ par rapport à ceux en consommant en moyenne 0,3 g.
Les auteurs avancent l'hypothèse d'une contamination du poisson par des polluants tels que les biphényles polychlorés, les dioxines, l'arsenic ou le mercure. Toutefois, ils ne disposent d'aucune donnée pour établir un lien entre poisson contaminé et cancer de la peau.
Des chiffres à prendre avec prudence
Pour parvenir à ces chiffres, les chercheurs ont ajusté leurs résultats sur des facteurs sociodémographiques tels que l'indice de masse corporelle, le niveau d'activité physique, le tabagisme, l'alimentation et la consommation d'alcool ou de caféine, les antécédents de cancer et le niveau d'exposition aux UV.
C'est sur ce dernier point que sont formulées des critiques méthodologiques, puisque les auteurs ont estimé l'exposition aux UV en fonction du lieu de résidence. Une façon de faire jugée peu fiable par de nombreux commentateurs, comme le relève la Dr Stacey Lockyer, de la Fondation britannique pour la nutrition, citée dans « Science Media Centre » : « Les facteurs de risque tels que les antécédents de coups de soleil, le nombre de taches ou la couleur des cheveux n'étaient pas connus », insiste-t-elle.
« Ce genre d'étude devrait comporter des données sur les activités telles que la pêche qui expose particulièrement aux UV à cause de la réflexion de la lumière du soleil dans l'eau, ajoute le Pr Tom Sanders, spécialiste de la nutrition au King's College de Londres. Or, on peut s'attendre à ce que les pêcheurs soient aussi des gros consommateurs de poisson. »
« Il est important de noter que cette étude est observationnelle et qu'une relation de cause à effet ne peut donc pas être établie », ajoute pour sa part la Dr Lockyer. De plus, le régime alimentaire était questionné seulement à l'inclusion. Pour le Dr Michael Jones, épidémiologiste à l'Institut de recherche sur le cancer au Royaume-Uni, « il est possible que le régime des patients ayant un cancer évolue différemment par rapport aux personnes qui n'en développent pas ».
Les différents experts insistent sur le fait qu'un régime alimentaire équilibré doit comporter au moins deux portions de 140 g de poisson par semaine, dont une portion de poisson gras (saumon, sardine, etc.).
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