Voilà dix ans que les recommandations françaises en matière de prise en charge du cancer bronchopulmonaire non à petites cellules (CBPNPC) n’avaient pas été révisées. Le traitement a enregistré des progrès notables ces dernières années, si bien que la survie est globalement passée de 10 % à 20 % à 5 ans, tous stades confondus. Cependant, avec plus de 50 000 nouveaux cas et 30 000 décès chaque année en France, la maladie reste la troisième pathologie cancéreuse la plus incidente et la plus mortelle dans le pays.
Ces éléments ont conduit la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et l’Institut national du cancer (Inca) a émettre de nouvelles préconisations conjointes. Ces nouvelles recommandations, publiées début janvier 2025, sont centrées sur la prise en charge de première ligne du CBPNPC métastatique, sans addiction oncogénique. « Ce qui concerne la majorité des patients atteints de cancer du poumon », rappelle le Pr Laurent Greillier, pneumologue à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et responsable du groupe oncologie de la SPLF.
L’objectif : « détailler la conduite à tenir dans quasiment toutes les situations imaginables, et servir d’appui pour une discussion au cas par cas », indique le spécialiste. Ce texte s’adresse principalement aux spécialistes directement impliqués dans la prise en charge des patients, mais un document complémentaire à destination des médecins généralistes est en préparation.
L’immunothérapie change la donne
Le premier chapitre de ces recommandations fait surtout le point sur l’intérêt de l’immunothérapie par anti-PDL1, arrivée au cours de la dernière décennie. « C’est vraiment l’immunothérapie qui a permis d’améliorer le pronostic de ces cancers », insiste le Pr Greillier. Conclusion : comme le formulent aussi les recommandations étrangères, le traitement dépend du niveau de présence du biomarqueur PDL1 au sein du tissu tumoral. « Il n’y a vraiment pas de scoop de ce point de vue », admet le Pr Greillier.
En effet, chez les patients qui expriment faiblement PDL1 (expression inférieure à 50 %), le nouveau standard qui se dégage inclut un traitement combiné par chimiothérapie et immunothérapie. Chez les patients qui expriment plus fortement PDL1 (expression supérieure ou égale à 50 %), la combinaison chimiothérapie-immunothérapie est également un nouveau standard, mais le traitement peut être désescaladé, dans la mesure où une immunothérapie seule peut également être mise en place : « il n’existe actuellement pas de donnée permettant d’affirmer la supériorité d’une stratégie par rapport à l’autre », rapporte le Pr Greillier.
Traiter moins agressivement les patients atteints de comorbidités ?
Contrairement à la plupart des autres référentiels internationaux existants, les recommandations françaises déclinent ce grand principe de prise en charge à une grande variété de situations cliniques. « L’originalité de ces recommandations est qu’elles essaient d’adapter ce grand message qui se dégage des essais cliniques — conduits chez des patients en bon état général, sans comorbidité — aux malades qui ne ressemblent pas aux participants des études princeps », avance le Pr Greillier.
Ainsi, un chapitre de ces préconisations est consacré aux adaptations de traitement envisageables chez les personnes âgées et en cas de comorbidités. « Maladies auto-immunes, VIH, hépatite virale chronique, insuffisance rénale, insuffisance hépatique, pneumopathie interstitielle, greffe d’organe, etc. », énumère le Pr Greiller. Au regard de la faiblesse de la littérature existante dans ces sous-populations, les auteurs incitent plutôt à garder la main légère. « L’idée n’est pas de réfréner systématiquement les ardeurs, mais de préciser que, pour les patients les plus fragiles, qui plus est avec altération de l’état général, il n’existe toujours pas de preuve permettant d’affirmer que la stratégie générale est la plus bénéfique », détaille le Pr Greillier. En particulier, chez les personnes de plus de 70 ans, aucune preuve scientifique solide ne permet d’affirmer que l’association de la chimiothérapie et de l’immunothérapie constitue un standard thérapeutique.
Dans le même esprit, ce chapitre se penche sur la conduite à tenir en cas de co-médication. Parmi les principaux éléments qui se dégagent, le Pr Greillier indique « qu’il faut tenter de limiter au maximum la posologie et la durée de toute corticothérapie systémique – qui peut réduire l’efficacité de l’immunothérapie ». De façon similaire, le document invite à limiter l’utilisation d’antibiotiques aux situations où ils apparaissent indispensables. « L’antibiothérapie pourrait altérer le microbiote intestinal et affecter l’immunothérapie », explique le Pr Greillier.
Modifier la prise en charge selon les localisations métastatiques ? Enfin, les recommandations abordent les adaptations de traitement à proposer en fonction de l’extension de la maladie. À commencer par les métastases cérébrales. « Dans certaines situations, on peut commencer le traitement systémique du cancer mais, dans d’autres (localisations menaçantes, symptômes neurologiques, etc.), une chirurgie ou une radiothérapie doivent être considérées en tout premier lieu, l’immunothérapie s’avérant susceptible de majorer l’œdème autour des métastases cérébrales et ainsi de provoquer une dégradation de l’état clinique du patient », détaille le Pr Greillier.
Quelques préconisations sont aussi formulées à l’égard des ultraspécialistes concernant les métastases osseuses. Et, en cas de maladie oligométastatique, la perspective d’une désescalade thérapeutique s’ouvre. « Chez ces patients, on pensait jusqu’à présent qu’il fallait traiter localement à la fois la tumeur primitive et les métastases mais, depuis l’arrivée de l’immunothérapie, l’intérêt de cette stratégie très agressive semble moins clair. »
Entretien avec le Pr Laurent Greillier, pneumologue à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et responsable du groupe oncologie de la SPLF
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