Prostate, le sur-traitement est bien réel en France

Publié le 21/11/2013
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TOUS LES CANCERS de la prostate n’ont pas la même agressivité et, « comme beaucoup de tests de dépistage, le dosage du PSA détectera davantage les tumeurs qui évoluent le moins vite et passeront dans le crible du dépistage avant l’apparition des signes cliniques », explique le Dr Cyrille Delpierre au « Quotidien » l’investigateur principal. Les tumeurs les plus agressives ont une probabilité plus élevé de donner des signes cliniques et d’être non pas dépistées, mais diagnostiquées, poursuit-il. Il n’existe pas pas de marqueur permettant de repérer les tumeurs agressives.

En pratique, si l’espérance de vie du patient est supérieure à dix ans, durée considérée comme nécessaire pour que le cancer de la prostate devienne cliniquement significatif, le traitement est justifié. Les patients en situation de sur-traitement potentiel sont ceux pour qui l’espérance de vie théorique est inférieure à l’espérance de vie avec cancer.

9 à 22 % des patients.

Pour savoir s’il y a un sur-traitement chez les patients dépistés, les auteurs ont réalisé une comparaison de l’espérance de vie avec cancer avec l’espérance de vie théorique, qui prend en compte l’âge et les comorbidités. L’étude a été réalisé en collaboration avec le réseau Français des registres du cancer sur l’échantillon des 1 840 patients diagnostiqués en 2001. Les données de la littérature font état de taux de sur-diagnostic et de sur-traitement variant de 30 % à 50 %.

En s’appuyant sur ces limites, les chercheurs ont calculé que de 9,3 % à 22,2 % des patients atteints de tumeurs au stade T1 ont été surtraités (prostatectomie ou radiothérapie). Et que de 7,7 % à 24,4 % des patients ayant subi une ablation de la prostate ont été sur-traités, ainsi que de 30,8 % à 62,5 % de ceux ayant eu une radiothérapie.

Au stade T2, le sur-traitement a concerné globalement 2 % des patients, 2 % de ceux ayant subi une prostatectomie, et 4,9 % de ceux qui ont eu une radiothérapie.

Évidemment, la présence d’une comorbidité augmente considérablement ces proportions. Les patients au stade T1 avec plus de deux comorbidités ont été en situation de sur traitement potentiel dans la presque totalité des cas, et de surtraitement réel dans 1/3 des cas. « Le surtraitement potentiel concerne des cancers de la prostate détectés à un stade très précoce, pour lequel les médecins ont décidé d’attendre. Le surtraitement réel concerne les cancers dépistés qui ont effectivement été traités », explique Cyrille Delpierre.

La situation est actuellement différente, expliquent les auteurs, car les données de 2008 montrent une inversion des stades T1 et T2, les stades T1 étant maintenant plus fréquents que les T2.

Une nouvelle maladie.

« Au cours des premières années d’un dépistage organisé, ce sont les tumeurs les plus agressives et les plus avancées qui sont détectées. Par la suite, sont dépistées des tumeurs à un stade très précoce, bien avant qu’elles n’aient l’occasion de donner des signes cliniques », commente le Dr Delpierre. C’est, souligne l’épidémiologiste, « une nouvelle maladie. Les traitements qui lui sont alors appliqués ont été mis au point pour des maladies plus évoluées, des maladies diagnostiquées et non dépistées. Ce sont donc des traitements probablement plus agressifs que nécessaire ».

Un des enjeux est maintenant de mettre au point des prises en charge adaptées à ces cancers très précoces : attentisme et surveillance, traitements moins agressifs par exemple. Et de déterminer lesquelles parmi ces tumeurs risquent de ne pas évoluer, ou d’être à faible risque de progression, ce que l’on ne sait pas encore faire.

« Au vu du surtraitement avéré du cancer de la prostate, cette prise en charge pourrait se limiter, notamment pour les patients ayant des comorbidités, à une surveillance permettant de proposer le traitement quand il deviendrait opportun », avance Cyrille Delpierre.

Il reste difficile de proposer une surveillance active et de justifier une attitude non interventionniste chez des patients se sachant atteints d’un cancer.

Cancer Epidemiology (2013) http://dx.doi.org/10.1016/j.canep.2013.03.14

 Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9282