Il existe maintenant un certain recul sur l’infection à coronavirus chez les patients traités pour cancer. Cependant, des populations de patients très hétérogènes sont concernées, en fonction du type et de la localisation du cancer, du statut actif, en rémission ou en échappement thérapeutique ainsi que du terrain. Ceci ne permet guère de tirer de conclusions globales. « On sait que le pronostic est mauvais en cas de tumeur pulmonaire, du fait de l’atteinte respiratoire préexistante. Une chimiothérapie récente semble aussi aggraver le pronostic, mais elle témoigne d’un cancer en phase active », explique le Pr Jean-Jacques Mourad, service de médecine interne à l'hôpital Saint-Joseph (Paris).
Un risque majoré de formes graves ?
Ce qui est certain, c’est que les patients atteints de cancer sont plus exposés à des formes graves de Covid-19, car ils sont souvent âgés, atteints de comorbidités qui ont participé au développement de leur tumeur, immunodéprimés du fait de la maladie, de son traitement et de la dénutrition. « On sait aussi que les complications thromboemboliques jouent un rôle majeur dans les évènements mortels liés au Covid-19. Or, l’existence d’un cancer actif est en elle-même thrombogène et majore ce risque », souligne le Pr Mourad. Par contre, les patients atteints d’un cancer actif ont été probablement moins exposés car plus vigilants pendant et après le confinement.
Une prise en charge en dehors des services d'oncologie
Le plus souvent, les patients atteints de cancer et contaminés par le coronavirus ne sont pas hospitalisés dans les services d’oncologie où ils sont suivis habituellement, ces services ayant été généralement monopolisés par les malades du virus. « Comme nous l’avons fait dans notre service, ils sont pris en charge par des équipes non cancérologiques qui bien sûr restent en relation étroite avec les oncologues référents. Certains choix thérapeutiques sont difficiles, comme la décision d’intuber, et sont pris conjointement avec les médecins qui connaissent le mieux le statut de la tumeur, la réponse au traitement oncologique et l’espérance de vie du patient », insiste le Pr Mourad.
Un traitement identique aux autres patients
L’existence d’un cancer ne modifie pas la présentation clinique de l'infection par le SARS-CoV-2, ni la prise en charge thérapeutique (1,2). Comme les autres patients, ils sont traités par oxygénothérapie à haut débit lorsqu’elle est nécessaire, par corticoïdes dans les formes modérées et par corticoïdes et/ou biothérapie dans les formes sévères. Les progrès réalisés depuis le début de la pandémie permettent dans bien des cas d’éviter l’intubation et la sédation, d’en limiter sa durée, réduisant le risque de neuropathies, de dénutrition et de surinfections liées au passage en réanimation. « On est particulièrement vigilant en ce qui concerne la coagulation, et ces patients sont plus volontiers anticoagulés que les autres », reconnaît le PrMourad.
La prescription de l’anakinra dans certaines formes de Covid-19 est tout aussi possible chez les patients atteints de cancer, parce qu’il s’adresse à un stade de l’infection potentiellement létal, que le traitement immunosuppresseur a une très courte durée d’action et qu’il est prescrit pour 10 jours au maximum (3). Les données recueillies ne montrent pas de résurgences ni de surinfections lors d’une utilisation aussi courte.
Quant aux traitements des cancers, ils sont suspendus pendant l’infection virale, et en particulier la chimiothérapie, du fait de l’asthénie et de l’immunodépression qu’ils provoquent. La décision de reprendre le traitement oncologique se prend en concertation avec l’oncologue en fonction de la guérison de l’infection virale.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Jacques Mourad, Hôpital Saint-Joseph (Paris)
(1) You B et al. The official French guidelines to protect patients with cancer against SARS-CoV-2 infection, Lancet Oncol. 2020 May;21(5):619-621. doi: 10.1016/S1470-2045(20)30204-7. Epub 2020 Mar 25.
(2) Grellety T et al. Infection à SARS-CoV-2/COVID 19 et cancers solides : synthèse des recommandations à l'attention des professionnels de santé. Bull Cancer (2020), https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2020.03.001
(3) Huet T et al. Anakinra for severe forms of COVID-19: a cohort study, Lancet Volume 2, Issue 7, E393-E400, July 01, 2020
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