Il est actuellement difficile de savoir si les patients atteints de cancer sont plus fréquemment touchés par le COVID-19, vu le faible taux de dépistage et la surveillance accrue de ces sujets. Autre point crucial, selon certaines études le risque de formes sévères avec complications respiratoires serait quatre à cinq fois plus élevé chez les patients traités pour cancers, et ce d’autant plus qu’ils auraient été traités par chirurgie ou chimiothérapie dans les semaines voire les mois qui précèdent. Cependant, les résultats sont hétérogènes selon les études, dont certaines sont de trop petite taille pour conclure formellement.
Protéger les malades atteints de cancer
Tous les centres convergent pour restreindre le risque d’exposition au Covid-19. Ce qui passe par la nécessité impérieuse de maintenir les centres de traitement du cancer « Covid free ». Les personnes infectées, ou suspectes d’infection, doivent être traitées dans les structures dédiées au Covid-19 qui se mettent en relation avec les équipes d’oncologie.
Les actes de chirurgie non urgents ont été reportés. Dans certains cas, il est proposé de les remplacer par la radiothérapie et/ou des alternatives médicales lorsque cela ne compromet pas le pronostic.
Pour limiter les séjours à l’hôpital, la plupart des centres ont adopté des stratégies similaires : remplacer la voie IV par la voie orale ou sous-cutanée, passer d’une plurithérapie à une monothérapie pour limiter les effets secondaires (qui imposeraient une hospitalisation), faire une pause thérapeutique si possible…
Prévenir les complications liées aux traitements
Sauf exception à discuter au cas par cas, les traitements oncologiques sont temporairement stoppés pendant l’infection à Covid-19. Pour les patients non infectés par le SARS-CoV-2, les stratégies à adopter restent beaucoup plus incertaines. Il s’agit de mettre en balance le risque de surmortalité liée au virus chez un patient sous traitement et celui du non-contrôle de la tumeur. Comme le rappellent les auteurs de l’article de Nature Medecine (1), si on connaît plus ou moins bien l’impact de la poursuite ou non d’un traitement sur le contrôle du cancer, nous ne disposons d’aucune donnée probante concernant les risques associés au traitement anticancéreux pour la morbimortalité en cas d’infection à Covid-19.
Pour prévenir ou limiter la neutropénie et la lymphopénie, tous les centres ont suggéré une désescalade des chimiothérapies cytotoxiques ou des traitements ciblés et l’abstention de traitements palliatifs à partir de la deuxième ligne lorsque le taux de réponse initial est faible. Néanmoins, on manque de preuves en faveur de cette stratégie et on ne peut affirmer que neutropénie et lymphopénie seraient des facteurs prédictifs de mauvais pronostic pour le Covid-19. Cela a été montré pour les infections bactériennes et les réactivations virales, mais c’est bien moins clair pour les infections virales de novo. Et l’augmentation de la mortalité est-elle liée au traitement ou à d’autres caractéristiques comme l’âge, la fragilité, les comorbidités ?
Concernant les inhibiteurs de check-points immunitaires, faut-il ou non les arrêter ? Le blocage des PD1 serait susceptible d’orienter la réponse immunitaire vers les cellules lymphoïdes alors que la réponse inflammatoire lors du Covid semble induite par les cellules myéloïdes et la lymphopénie. D’autre part, le virus pourrait augmenter l’expression du PD-L1, ce qui pourrait majorer sa toxicité. Mais là encore, on ne peut se baser sur aucune littérature scientifique solide.
Autre question en suspens, la neutropénie induite par certains traitements. La plupart des centres recommandent un traitement préventif par les G-CSF (Granulocyte colony-stimulating factor), mais d’autres craignent que cela ne stimule la réponse granulocytaire aux dépens de la réponse lymphocytaire, essentielle à la lutte vis-à-vis du Covid-19. De plus, il a été rapporté des niveaux de G-CSF élevés parmi les formes sévères de SRAS-CoV-2…
Parmi les recherches prioritaires, plusieurs projets sont en cours pour évaluer la morbimortalité des patients atteints de Covid-19 sous chimiothérapie, thérapies ciblées, bloqueurs de check-point immunitaire ou G-CSF.
(1) Caring for patients with cancer in the COVID-19 era, Nature Medicine, https://doi.org/10.1038/s41591-020-0874-8
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