L'Institut Curie a annoncé investir 56 millions d'euros sur six ans pour moderniser son parc de radiothérapie et ainsi conforter sa place de plateau technique le plus complet d'Europe. L'Institut est aussi le premier centre de protonthérapie en France.
Cet investissement d'envergure dans la radiothérapie vise à garantir le déploiement de technologies de rupture, alors que plus de 70 % des traitements contre le cancer intègrent des séances de radiothérapie. En 2021, près de 107 000 séances ont été réalisées sur l'ensemble des trois sites de Curie situés à Paris, Orsay et Saint-Cloud.
« Nous allons préparer notre parc de radiothérapie pour répondre aux défis de demain et d'après-demain et maintenir le parc de radiothérapie toujours à la pointe et en avance sur les besoins, espère le Pr Steven Le Gouill, directeur de l’Ensemble hospitalier Curie. Nos futurs équipements ultraperfectionnés nous permettront d’optimiser les traitements et la prise en charge de nos patients qui bénéficieront de techniques toujours plus précises, complémentaires, conservatrices, pour le plus grand nombre possible de localisations. »
Le parc se compose actuellement d'un centre de protonthérapie avec trois salles de traitement et de 11 accélérateurs de particules, décrit le Pr Gilles Créhange, chef du département de radiothérapie oncologique à Curie. « Avec le plan d'investissements, l'objectif est d'installer une 12e machine innovante, qui embarquera l'imagerie IRM, la TEP et qui sera combinée à l'intelligence artificielle (IA) ; de remplacer six machines du parc pour arriver à un parc qui comportera 100 % de machines dédiées à la radiothérapie stéréotaxique et de remplacer l'une des trois salles de protonthérapie pour permettre de pérenniser cette activité », explique-t-il.
Des innovations récemment intégrées en clinique
« Avec les progrès réalisés dans les cancers de l'enfant et le vieillissement de la population, nous allons être confrontés dans les 20 ans qui viennent à une augmentation importante des cancers, ce qui doit nous amener à proposer des traitements plus adaptés et plus personnalisés », souligne le Pr Créhange. Et alors que la radiothérapie consiste à délivrer localement des rayons afin de détruire les cellules cancéreuses via l'altération de leur ADN, l'enjeu est de mieux traiter et de mieux protéger les patients, en ciblant avec plus de précision les cellules tumorales et en épargnant les tissus sains, et ce afin de gagner en efficacité tout en limitant les séquelles.
Depuis 2021, l'institut Curie propose déjà en clinique la radiothérapie hypofractionnée qui consiste à réduire le nombre de séances pour le confort des patients et une meilleure observance du traitement. La radiothérapie adaptative, qui permet aux radiothérapeutes de s’adapter à l’évolution de la tumeur, à l’anatomie ou à la position du patient afin de mieux protéger les tissus sains, va aussi entrer en routine clinique.
L'Institut Curie propose aussi une technique de stéréotaxie à certains patients atteints de cancers localisés de la prostate, qui repose sur seulement cinq séances en une semaine et demie (contre deux mois de manière standard) pour diminuer les effets secondaires.
De nombreuses avancées attendues
Et de nouvelles approches innovantes pourraient changer la donne dans les années à venir. « De nouvelles modalités de délivrance des doses, avec de nouveaux effets biologiques sur les tissus, ouvrent des perspectives thérapeutiques prometteuses pour cibler des tumeurs jusque-là radiorésistantes et diminuer considérablement les séquelles sur le long terme », détaille l'Institut Curie dans un communiqué.
La radiothérapie par mini-faisceaux de protons (mini-beam, pMBRT), une nouvelle technique de délivrance de doses, représente notamment « un véritable changement de paradigme ». L'équipe de Yolanda Prezado, physicienne et directrice de recherche CNRS, est pionnière dans le développement de cette stratégie qui repose sur le recours à des faisceaux de protons submillimétriques et semble très prometteuse pour traiter des tumeurs radiorésistantes et de mauvais pronostic, en particulier en pédiatrie. « Notre objectif est d'exploiter le fait qu’en changeant les paramètres physiques de la radiation, c’est-à-dire la manière dont on dépose la dose, on peut changer les effets biologiques et donc améliorer les traitements », explique la chercheuse. Des travaux précliniques menés par son équipe ont montré dans le traitement des tumeurs du cerveau que la technique pMBRT diminue les effets indésirables, optimisant l'efficacité de l’irradiation.
Du côté de la radiothérapie Flash, technique de radiothérapie qui permet de délivrer une irradiation à ultra-haut débit de dose en une fraction de seconde (1 000 à 10 000 fois plus intense qu'en radiothérapie conventionnelle), découverte en 2014 dans les laboratoires d'Orsay de l’Institut, l'utilisation des électrons de très haute énergie (VHEE) représente un espoir important, pour cibler des tumeurs profondes et éviter de lourdes opérations chirurgicales. Il y a quelques semaines, l'équipe suisse du centre hospitalier universitaire vaudois annonçait également investir dans le développement d'un appareil VHEE du même type, baptisé Flashdeep.
Une nouvelle classe de molécules qui pourrait optimiser l'efficacité de la radiothérapie a par ailleurs été développée par l'équipe de Marie Dutreix, directrice de recherche émérite au CNRS : les Dbait. En essayant de comprendre pourquoi 20 % des patients résistent aux rayonnements, les chercheurs ont mis au point ces molécules, semblables à de l'ADN endommagé, pour leurrer les cellules tumorales. En présence des Dbait, celles-ci s'autodétruisent, estimant la tâche de réparation de l'ADN bien trop importante. Un essai clinique est en cours avec la biotech Onxeo pour évaluer l'intérêt de cette thérapie innovante dans les cancers pédiatriques à haut risque.
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