LE RISQUE de cancer colo-rectal est globalement accru au cours des MICI (RCH et maladie de Crohn avec atteinte colique) et lié à l’inflammation chronique du côlon. « La pathogénèse de ce cancer est très différente de celle des cancers sporadiques : c’est un cancer intraépithélial qui devient progressivement invasif, avec dysplasie de bas grade, puis de haut grade… Il est plus difficile à détecter, » souligne le Pr Laurent Beaugerie.
Ce sur-risque de cancer colo-rectal concerne essentiellement les patients ayant une inflammation colique ancienne (supérieure à 7-10 ans) et étendue. Une exception : les malades atteints d’une cholangite sclérosante primitive associée à une MICI (1 % des MICI), qui sont d’emblée à risque de développer une dysplasie ou un cancer colo-rectal.
La cohorte CESAME (Cancers Et Sur-risque Associé aux Maladies inflammatoires chroniques intestinales En France), qui a inclus près de 20 000 patients (60 % de maladies de Crohn, 40 % de RCH) entre 2004 et 2007, a montré que les malades atteints de MICI avaient un risque de cancer colo-rectal deux fois supérieur à celui de la population générale. « Mais pour les patients à haut risque, le risque relatif est multiplié par un facteur allant de 4 à 8. » précise le Pr Beaugerie.
Les sociétés savantes ont établi des recommandations de pratique clinique pour la réduction du risque de cancer colo-rectal. Les stratégies de prévention reposent sur la réalisation de coloscopies de surveillance à intervalles réguliers (tous les deux ans), la détection d’une dysplasie par biopsies de la muqueuse intestinale (biopsies dirigées ou aléatoires) et la colectomie en cas de biopsies positives.
Au sein de la cohorte CESAME, une étude ancillaire a été menée auprès de 914 patients à risque de CCR (durée de la MICI d’au moins huit ans et atteinte colique étendue) suivis dans 9 centres d’Ile-de-France. Les malades étaient directement contactés afin de déterminer s’ils avaient eu une coloscopie de dépistage entre leur inclusion dans la cohorte (entre 2004-2005) et 2007. Or, seulement 47 % en avaient bénéficié (taux variant de 30 à 73 % selon les centres).
« Ainsi, en dépit des recommandations, moins d’un malade sur deux atteints de MICI à risque de CCR est dépisté.
Nous avons des progrès à faire dans la prise en charge de ces patients. Il faudrait aussi que les patients soient sensibilisés à l’importance de l’observance des examens de dépistage, » déclare le Pr Laurent Beaugerie.
Effets comparés des 5-ASA et des thiopurines.
L’effet protecteur du traitement par les 5-ASA a été mis en évidence dans la plupart des études cas-témoins antérieures à la méta-analyse de Velayos et al (1) publiée en 2005 et qui a porté sur 1 932 sujets atteints de RCH (3 études de cohorte, 6 études cas-témoins) : ces molécules diminueraient le risque par deux. Cependant, cet effet a été inconstamment constaté dans les études plus récentes.
Quant à l’effet potentiel des thiopurines, il a été très peu étudié à ce jour.
Une étude cas-témoins, nichée dans la cohorte CESAME, vient d’être réalisée afin d’évaluer comparativement les effets des 5-ASA et des thiopurines sur le risque de cancer du côlon au cours des MICI, avec une méthodologie très rigoureuse et notamment, pour la première fois, un ajustement sur la propension à recevoir ces traitements.
Cette étude confirme une réduction significative du risque de cancer colo-rectal chez les patients atteints de MICI recevant des 5-ASA : odds-ratio (OR) = 0,55 pour tous les patients, = 0,52 au cours de la RCH, et encore plus net (= 0,46) chez les malades à haut risque. En revanche, la réduction du risque associée à la prise de thiopurines n’atteint, dans aucun groupe, le seuil de significativité statistique.
« Les thiopurines qui réduisent l’inflammation chronique, semblent avoir un effet protecteur, mais pas aussi significatif que celui obtenu avec le 5-ASA. Il est possible que le 5-ASA possède des propriétés antitumorales intrinsèques (accentuation de l’apoptose…) qui ont été observées sur des modèles cellulaires et animaux, en plus de l’effet anti-inflammatoire » ajoute le Pr Beaugerie.
D’après un entretien avec le Pr Laurent Beaugerie, hôpital Saint-Antoine, Paris.
(1) Velayos FS et al. Am J Gastroenterol 2005 ; 100 :1345-53.
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