LES CELLULES cancéreuses sont notoirement résistantes à la mort cellulaire, en partie grâce à un changement de leur métabolisme énergétique. Celui-ci ne repose plus sur la phosphorylation oxydative du glucose dans la mitochondrie (cellules normales), mais sur la glycolyse cytoplasmique qui transforme le glucose en pyruvate puis en acide lactique. Ce remodelage métabolique s’accompagne d’une hyperpolarisation mitochondriale associée à une suppression de la fonction mitochondriale. Cibler ce changement métabolique pourrait donc constituer une nouvelle stratégie anticancéreuse.
En 2007, le Dr Evangelos Michelakis et son équipe canadienne (Université d’Alberta à Edmonton) montraient que le dichloroacétate (DCA), médicament inhibant la pyruvate déshydrogénase kinase (PDK) mitochondriale, diminuait la croissance tumorale in vitro et in vivo chez l’animal, sans affecter les tissus non cancéreux et leurs mitochondries normales.
Mort par apoptose des cellules cancéreuses.
Le mécanisme de cet effet était le suivant. En inhibant la PDK, le DCA active la pyruvate déshydrogénase, qui favorise l’entrée du pyruvate dans la mitochondrie, augmentant ainsi l’oxydation mitochondriale du glucose au dépend de la glycogenèse. Cela améliore la fonction mitochondriale, et fait rétrocéder l’hyperpolarisation mitochondriale, avec pour résultat la mort par apoptose des cellules cancéreuses et une baisse de la croissance tumorale.
Depuis, d’autres équipes de chercheurs ont confirmé ces résultats. Et en décembre 2009, la prestigieuse revue « Science » prédisait que le métabolisme du cancer serait l’un des 5 domaines scientifiques à surveiller en 2010 pour des avancées majeures.
Le dichloroacétate (DCA) est un médicament générique, peu coûteux, qui a été utilisé depuis une trentaine d’années pour traiter des maladies mitochondriales mais il n’est plus utilisé actuellement.
Michelakis et son équipe ont donc cherché à savoir si le DCA pourrait exercer le même effet anticancéreux chez l’homme.
Dans une étude publiée par « Science Translational Medicine », ils montrent que le DCA peut être utilisé chez les patients souffrant du glioblastome. C’est la plus agressive des tumeurs primitives du cerveau, associée à une survie moyenne de quatorze mois malgré un traitement combinant chirurgie et chimioradiothérapie.
Les chercheurs savaient que le DCA administré par voie orale traverse bien la barrière hémato-encéphalique pour diffuser dans le cerveau.
In vitro, l’équipe a d’abord montré que des glioblastomes, fraîchement isolés chez une cinquantaine de patients, répondent bien au DCA en inversant leur métabolisme mitochondrial. Les chercheurs ont ensuite traité de façon consécutive 5 patients affectés d’un glioblastome avec le DCA administré pendant jusqu’à quinze mois.
Les 3 premiers patients avaient une récidive (après traitement standard et plusieurs chimiothérapies) et ont reçu seulement le DCA ; les 2 derniers patients, chez qui le diagnostic était tout récent, ont été traités par DCA plus traitement standard (DCA débuté trois mois avant ou de façon concomitante).
En comparant les échantillons tumoraux avant et après thérapie, l’équipe montre que le DCA dépolarise la mitochondrie et inverse partiellement le métabolisme mitochondrial. De plus, le DCA inhibe l’angiogenèse, et provoque la mort par apoptose des cellules cancéreuses, y compris des cellules souches cancéreuses du glioblastome.
Des études plus grandes sont nécessaires.
Chez les 5 patients traités, le DCA a mis 3 mois pour atteindre des concentrations sanguines suffisamment élevées pour changer le métabolisme de la tumeur. À ces concentrations, il n’existe aucune toxicité ; toutefois les plus fortes doses évaluées sont associées à une neuropathie périphérique réversible et dose-dépendante.
De façon importante, le traitement DCA est associé chez certains patients à une stabilisation ou une régression radiologique de la tumeur (notamment chez le 5e patient) durant les dix-huit mois de l’étude.
SI l’étude ne peut établir ni l’efficacité ni l’innocuité du traitement DCA en raison du faible nombre de patients, les résultats sont encourageants et plaident pour conduire de plus grandes études cliniques dans le glioblastome en évaluant des associations thérapeutiques incluant le DCA. En dehors d’un tel essai clinique, la prise du DCA sans surveillance expérimentée est inappropriée et pourrait même être dangereuse, soulignent les chercheurs.
Science Translational Medicine, 12 mai 2010, Michelakis et coll.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024